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Dans les médias d’extrême droite, une croisade anti-écolo
#extremedroite #medias #ecologie
Article mis en ligne le 8 octobre 2024
dernière modification le 5 octobre 2024

Nier le changement climatique, attaquer les militants, développer une « écologie de droite » : dans les médias d’extrême droite, cette triple mission dessine les contours de leur projet raciste, défendu comme « civilisationnel ».

Sur la chaîne du milliardaire Vincent Bolloré, comme dans les autres médias d’extrême droite, ce type de propos climatosceptiques ou climatodénialistes — qui remettent en cause l’origine anthropique du changement climatique, en relativisent l’urgence et l’ampleur, voire en nient l’existence — trouvent un écho complaisant. Et ce déni s’accompagne désormais d’un discours virulent à l’encontre des écologistes, au profit de la promotion d’une écologie aux relents identitaires.

Des climatosceptiques en « mission » (...)

Du climato-déni à l’écolo-discrédit

Pour le chercheur en analyse de discours Albin Wagener, professeur à l’École des sciences de la société de Lille et auteur de Blablabla, en finir avec le bavardage climatique (éd. Le Robert, 2023), le fait que ces personnalités soient privilégiées par les médias les plus à droite, alors que le traitement médiatique du climat s’accentue, leur permet de « se présenter comme alternatifs, faisant entendre une voix différente » de la soi-disant « presse bien-pensante » et du « politiquement correct ».

Selon l’association Quota Climat qui publiera en novembre les premiers chiffres de l’Observatoire des médias sur l’écologie, la couverture de l’écologie dans les médias d’extrême droite est trois fois moins importante que la moyenne globale des médias.

Et quand ils font un pas de côté, entre deux émissions et articles sur l’immigration et l’insécurité, ce n’est pas seulement pour offrir une tribune aux climatodénialistes. C’est aussi pour dénigrer ceux qui alertent sur le changement climatique, les destructions écologiques et leurs causes. (...)

Diaboliser les écolos

Embrassant sans retenue le discours criminalisant à l’égard des défenseurs de l’environnement, ces médias s’attellent à construire un ennemi écolo et à « mener le combat culturel » contre « l’écologisme », « cheval de Troie de ces anticapitalistes qui annoncent la fin du monde pour justifier la décroissance et réussir ce qu’ils ont raté avec le communisme : abattre la société de marché », affirme Pascal Praud.

« L’écologisme est un gauchisme », tranche Valeurs Actuelles. Il a « la couleur du totalitarisme, l’esprit du totalitarisme » et il est porté par des « peine-à-jouir », insiste Élisabeth Lévy. (...)

En 2019, Causeur titrait : « Contre la religion du climat, pour la raison ». Ainsi se construit une distinction entre les « dogmatiques », adeptes d’une « doxa alarmiste » appartenant « au champ de la croyance plutôt qu’à celui de la raison », et les « pragmatiques ». L’écologie « pragmatique » se fonderait sur une « science véritable », tandis que la « dogmatique » se contenterait de la « science officielle », tant décriée par les « climato-réalistes ».
« Génie humain » et « enracinement »

Bien que prolixes, les pourfendeurs de l’écologie « idéologique » et « punitive » ne s’en tiennent pas seulement à cette bataille « contre l’écologisme ». Ils ont un antidote : « l’écologie de droite ». Contrairement à celle de la gauche, honteusement « décroissante » et « anticapitaliste », « l’écologie de droite » est technosolutionniste, confiante dans le « génie humain » et sa capacité à trouver de « nouvelles solutions »... à condition qu’il ne s’agisse pas des énergies renouvelables. (...)

Au vu de l’invisibilité de la question des énergies fossiles dans les médias les plus à droite, cette écologie-là est aussi imperméable aux causes du changement climatique. (...)

« L’enracinement est le terme clé », note Antoine Dubiau, auteur d’Écofascismes (Ed. Grévis, 2022) : « Il traduit le fantasme d’une harmonie naturelle entre un peuple et son environnement naturel, dont l’écologie viserait à préserver l’équilibre. » Cette sémantique de « l’enracinement » est par exemple énoncée en 2019 par Clément Martin, porte-parole de Génération Identitaire, dans une vidéo publiée par Valeurs Actuelles. Après avoir exposé sa proposition de « remigration, l’incitation au retour des immigrés non assimilés », il mentionne sa conception de l’écologie : « Enracinée, respectueuse des peuples et de leurs traditions ».
La construction d’une écologie « civilisationnelle »

Cette écologie « enracinée » permet à la fois de s’en tenir à une échelle locale et de l’associer avec un « combat identitaire ». (...)

« Toute l’extrême droite n’est pas climatosceptique, mais elle est ethnodifférentialiste, et souscrit à la protection de la nature comme bien appartenant à un processus civilisationnel », analyse le journaliste Maxime Macé. Ainsi, au cours de son débat avec le journaliste Hugo Clément, organisé par Valeurs Actuelles, le président du Rassemblement national Jordan Bardella expliquait : « Lorsqu’on est patriote, on a le souci et l’inquiétude de la survie de son propre peuple et de sa propre civilisation, mais aussi de l’environnement dans lequel cette civilisation s’épanouit. »

Cette vision identitaire de l’écologie s’épanouit dans un paysage médiatique toujours plus conquis par l’extrême droite. (...)

Face à cette offensive, les luttes écologistes contre-attaquent. Le 5 octobre, les Soulèvements de la Terre appellent à « lever les voiles » sur l’empire Bolloré. Côté médiatique, la Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence climatique signée par de nombreux journalistes et médias, entend participer à la prise de conscience croissante de la crise écologique et climatique. Reste à s’engager pleinement dans la bataille des imaginaires en offrant la perspective d’un avenir désirable et capable de rassembler. (...)