Plusieurs syndicats ainsi que l’opposition municipale de Fontenay-aux-Roses dénoncent l’intrusion de l’extrême droite dans l’enseignement public. En cause : un événement organisé dans un collège par une association financée par le fonds du milliardaire ultraconservateur Pierre-Édouard Stérin.
En avril 2025, quand Astrid Brobecker passe la porte du collège des Ormeaux à Fontenay-aux-Roses pour assister à un « café des parents » sur « l’hygiène de vie » des adolescent·es, la mère de famille et conseillère municipale écologiste ne connaît rien de l’association organisatrice. « Il y avait les logos de la mairie, ça paraissait bienveillant », se rappelle-t-elle. Ils sont une dizaine dans la salle, face à l’animatrice de l’association du Réseau des parents, se présentant comme une structure d’« actions et de soutien à la parentalité au service des municipalités », et Kateryna Yelisova, « consultante formatrice, intervenante et psychopraticienne ».
Laure*, une autre mère qui a assisté à ce café des parents, se rappelle que l’association est régulièrement promue sur le site internet et les réseaux sociaux de Fontenay-aux-Roses. Mais rapidement, Astrid Brobecker et Laure sont surprises par le contenu présenté. Les thématiques de l’hygiène, de la sexualité y sont abordées, toujours dans une perspective très genrée, notent-elles.
« Quand ça a commencé à parler en bleu et rose, ça m’a alertée », confie l’élue. Laure, quant à elle, tombe sur un article du Réseau des parents romantisant l’arrivée d’un « bébé surprise », qu’il faudrait, « contre toute attente », « garder et aimer ». La conférence aborde aussi la question de la « surexposition aux écrans », avec un focus sur la pornographie, et présente la dysphorie de genre comme un risque lié aux réseaux sociaux.
Surtout, toutes deux se rendent compte que le Réseau des parents, créé en 2016, est notamment financé par le Fonds du bien commun du milliardaire conservateur Pierre-Édouard Stérin, qui compte amener l’extrême droite au pouvoir par l’entremise de son projet politique Périclès, révélé par L’Humanité. Contactée, la fondatrice du Réseau des parents, Marie Poidatz, n’a pas souhaité donner suite à nos questions. Une décision prise avec l’ensemble du conseil d’administration de l’association, qui est « apolitique », précise-t-elle : « Ce qui nous intéresse, c’est d’être au service des parents. »
Des valeurs conservatrices, voire extrémistes (...)
Sollicité par Mediapart, l’hôtel de ville de Fontenay-aux-Roses confirme que Le Réseau des parents intervient sur la commune « en tant que prestataire de services, dans le cadre d’actions de soutien à la parentalité », à travers une convention annuelle, la dernière datant de novembre 2023. « Ces actions ont été intégrées dans la Convention Territoriale Globale (CTG) signée avec la Caisse d’Allocations Familiales, au titre du développement de l’accompagnement à la parentalité », précise la ville, qui affirme ne verser aucune subvention à l’association.
« À ce jour, aucune plainte de parents ou d’enseignants concernant la qualité ou le contenu de ses prestations ne nous a été adressée (...). Si des éléments factuels, qu’ils relèvent du contenu des interventions ou de la régularité des financements perçus par l’association, nous étaient signalés, nous en tirerions toutes les conséquences et cesserions, le cas échéant, de faire appel à ses services », ajoute la commune.
Plusieurs financements publics
Ce partenariat est loin d’être isolé : le Réseau des parents bénéficie du soutien d’une dizaine d’autres communes de l’Ouest francilien, pour un total de 28 000 euros, selon le plan de financement prévisionnel pour 2023 qu’elle a adressé à la région Île-de-France – laquelle a versé cette année-là 18 000 euros à l’association. La structure tablait également sur 36 000 euros de la part des départements des Yvelines et des Hauts-de-Seine, et 10 000 euros de l’État.
Seule à nous avoir répondu à ce jour, la région confirme subventionner le Réseau des parents « au titre du soutien à la parentalité dans le secteur de la santé et de la solidarité », afin de l’aider notamment « à déployer douze réseaux de parents dans plusieurs communes ». Une subvention de 10 000 euros « axée sur la prévention santé des jeunes » a par ailleurs été votée à la commission permanente de mai 2024, pour des actions afin de « prévenir les risques sur la santé des jeunes sur les thématiques suivantes : vie affective et sexuelle, santé mentale, exposition à la pornographie et aux écrans, harcèlement scolaire », ajoute la région.
Dossier Pierre-Édouard Stérin, une fortune au service de l’extrême droite 19 articles
Mais du côté de plusieurs syndicats, ce soutien du public a du mal à passer. Dans un communiqué commun diffusé le 20 juin, SUD Éducation de l’académie de Versailles, la CGT Éduc’action Versailles, la Fnec FP-FO Versailles, le Snes-FSU Versailles et Visa réclament l’interdiction de toute intervention du Réseau des parents au sein des établissements scolaires.
Aux pouvoirs publics, ils demandent « de s’expliquer sur le partenariat en cours avec l’association Réseau des parents qui est financée par un fonds prônant de telles valeurs et d’y mettre fin dans les délais les plus brefs ». Le vendredi 27 juin, l’intersyndicale a d’ailleurs adressé son communiqué à l’ensemble des instances publiques qui soutiennent l’association, les poussant à se positionner.
Stérin, un soutien devenu gênant ?
Tandis que le Réseau des parents affiche fièrement ses partenariats publics dans chacune de ses communications, il se fait de plus en plus discret sur le soutien du Fonds du bien commun. Alors qu’il était bien présent en mars 2025, le logo du fonds de Stérin a depuis disparu du site internet de l’association. Preuve d’un financement devenu gênant ?
Les administratrices du groupe WhatsApp du Réseau des Parents de Fontenay-aux-Roses ont, fin juin, censuré à plusieurs reprises les messages d’un membre souhaitant alerter sur le soutien de Stérin à l’association. (...)