
Les capacités mondiales de l’électricité d’origine nucléaire continuent de décliner, selon un rapport annuel. Les chantiers sont retardés ou annulés, et les coûts stratosphériques. Les renouvelables, eux, continuent leur envolée.
C’est devenu le marronnier du monde nucléaire, le rendez-vous annuel qui propose un état des lieux chirurgical de l’industrie atomique à travers le monde. Réalisé par des experts indépendants et coordonné par Mycle Schneider, analyste indépendant en énergie et politique nucléaire, le rapport sur l’état de l’industrie nucléaire dans le monde (WNISR) est rendu public le 19 septembre à Vienne en Autriche.
Depuis plusieurs années, il révèle minutieusement l’écart entre la communication débridée d’une industrie en pleine relance et sa réalité factuelle (...)
« Le fossé entre la perception du public sur le nucléaire et la réalité industrielle du secteur est remarquable. Ce rapport est beaucoup plus qu’un ramassis de statistiques, bourré d’informations. Il s’agit d’un travail analytique sur plus de 500 pages. C’est inégalé. » (...)
Si la production d’électricité d’origine nucléaire a augmenté de 2,2 % en 2023, la part de cette énergie dans la production d’électricité mondiale s’élève à 9,1 %, soit un peu plus de la moitié du pic constaté en 1996 qui plaçait l’électricité d’origine atomique à 17,5 % du mix électrique mondial.
La Chine est la locomotive du secteur
Au total, 59 projets de construction sont répartis dans treize pays, dont 23 ont pris du retard. Avec 27 réacteurs actuellement en construction à domicile, la Chine est la véritable locomotive du secteur. La Russie, elle, domine plutôt le marché à l’international : elle construit actuellement 26 réacteurs dont une vingtaine dans sept pays différents. À eux deux, Chine et Russie ont démarré la mise en œuvre de 35 réacteurs depuis décembre 2019.
La France aussi construit à l’étranger, plus précisément à Hinkley Point en Grande-Bretagne où deux unités accusent déjà un retard de livraison, la mise en service étant prévue pour 2029-2031. (...)
Le rapport se plaît à décortiquer, au cas par cas, les situations des pays nucléarisés. (...)
Projets de miniréacteurs annulés ou reportés
Alors que le battage médiatique se poursuit concernant les petits réacteurs modulaires (small modular reactor), très prisés des industriels souhaitant décarboner leur mix énergétique au plus près de leur site, le fossé s’agrandit avec le réel. (...)
L’industrie et les gouvernements poursuivent leurs investissements mais sur le terrain, rien ne se traduit concrètement. Les projets sont soit abandonnés comme Nuscale aux États-Unis, soit remis à plus tard comme le projet porté par EDF, Nuward, dont le report a été annoncé durant l’été. À ce jour, aucun SMR n’est actuellement en construction en Occident (...)
Par ailleurs, la rentabilité — qui est le nœud gordien du principe d’un réacteur dont on pourrait industrialiser la production — n’est pas au rendez-vous. (...)
Les énergies renouvelables décollent
Pendant que le nucléaire patine, les énergies renouvelables poursuivent leur conquête sur l’ensemble du globe. Le rapport dévoile le découplement total entre l’envolée des renouvelables et la relance poussive et coûteuse du nucléaire. « L’accélération du déploiement des renouvelables — surtout du solaire — est frappante », assure Mycle Schneider. (...)
Les capacités installées en solaire et éolien ont respectivement progressé de 73 % et 51 % accumulant un total de 460 GW installés. Les centrales photovoltaïques ou les fermes éoliennes ont généré 50 % d’électricité en plus que les usines atomiques. (...)
À elle seule, la Chine a déployé plus de 200 GW de solaire contre 1 seul GW de nucléaire. (...)
Même l’Union européenne a battu tous ses records en 2023 : pour la première fois, les énergies renouvelables ont permis de produire plus de 44 % de l’électricité européenne. Fermes éoliennes et centrales solaires ont produit ensemble 721 TWh d’électricité, soit près d’un quart de plus que le nucléaire et ses 588 TWh. Pour la première fois, les énergies renouvelables non hydroélectriques ont généré davantage d’énergie que tous les combustibles fossiles réunis, et l’éolien seul a surpassé le gaz fossile.