
Le député Jean-Luc Fugit, du groupe Ensemble pour la République (EPR), a déposé une proposition de loi (PPL) , dont il est également le rapporteur, visant à autoriser la pulvérisation de certains pesticides par drone.
L’adoption de cette proposition de loi représenterait une défaite pour la sortie de l’agriculture de sa dépendance aux pesticides, et à l’inverse une victoire pour la FNSEA et des Jeunes Agriculteurs (JA) dans un contexte d’élections des chambres d’agriculture particulièrement tendu.
Nous appelons au rejet massif de cette proposition de loi qui tend à maintenir l’agriculture dans un modèle dépendant aux pesticides.
Des solutions agronomiques et non robotiques existent pour réduire l’utilisation et le risque des pesticides.
Générations Futures rappelle qu’il n’a pas été démontré que la pulvérisation aérienne présente des avantages manifestes pour la santé ou l’environnement.
Sur les 74 essais menés pour vérifier l’efficacité de cette méthode d’application, toute culture confondue (vignes, pommes, bananes), seuls 7 essais sont totalement valides. Tous les autres - soit 67 essais - font l’objet de faiblesses méthodologiques pointées par l’ANSES.
Que ce soit sur l’efficacité de cette méthode d’application, sur la réduction de la dérive ou sur l’exposition des travailleurs et des riverains, l’ANSES conclut à la nécessité de disposer de plus de données et de meilleure qualité. Il s’agirait donc de poursuivre les expérimentations et non d’autoriser cette pratique.
La directive européenne sur l’utilisation “durable” des pesticides (dite directive SUD) fixe les règles en matière de pulvérisation aérienne à son article 9. Elle dispose clairement à son 1er alinéa que “Les États membres veillent à ce que la pulvérisation aérienne soit interdite.” Les alinéas suivant fixent une liste de dérogations et de conditions à celles -ci parmi lesquelles :
1. l’absence d’autre solution viable ;
2. la présentation d’avantages manifestes pour la santé humaine et l’environnement.
En France, la pulvérisation est donc interdite mais “en cas de danger sanitaire grave qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens, la pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques pour lutter contre ce danger peut être autorisée temporairement par arrêté conjoint des ministres chargés de l’environnement, de l’agriculture et de la santé.” (art.L.253-8 CRPM)
La loi Egalim de 2018 a autorisé une expérimentation de 3 ans de ce mode de pulvérisation afin de déterminer si cela présente de potentiels bénéfices environnementaux et sanitaires (article 82 de la loi n°2018-938). Les résultats ont été consolidés et analysés par l’agence sanitaire française (l’ANSES) dans une note d’appui scientifique et technique. (...)
Nous voulons un véritable engagement politique associé à des moyens techniques et humains pour accompagner les agriculteurs dans la reconception des systèmes de production sur la base de solutions agronomiques afin de réduire l’utilisation des pesticides.
Cette proposition de loi ne permettra de diminuer de manière conséquente l’utilisation de pesticides dangereux et donc d’avoir un impact sur l’amélioration des pratiques agricoles, de la qualité de notre alimentation et de notre eau.
Si a priori la PPL ne concerne que des produits qui peuvent sembler peu dangereux, cela ouvrirait la voie à l’autorisation d’application de tous les pesticides par drone comme le demande la FNSEA et les JA. Une fois la mesure adoptée, il sera sans doute très difficile d’empêcher tout élargissement.
L’une des conditions principales de cette proposition de loi pour autoriser la pulvérisation par drone est la présentation de bénéfices pour la santé des travailleurs agricoles. Nous partageons cet objectif mais pas le moyen !
L’exposé des motifs indique que « selon le rapport de l’Anses les résultats montrent que l’exposition des employés utilisant un drone est environ 200 fois plus faible qu’un opérateur avec un matériel manuel ». Ce n’est absolument pas ce que dit l’ANSES ! (...)
Une autre étude, EolDrift, conclut que la performance des drones comparée à celle des chenillard du point de vue de la dérive dépend énormément des conditions d’utilisation.
En bref, les données scientifiques sont totalement détournées. Nous ne pouvons pas laisser passer cela ! Empêchons l’adoption de cette proposition de loi ! (...)