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Consommation : de quoi se privent les pauvres ?
#inegalites #pauvrete #France
Article mis en ligne le 10 octobre 2024
dernière modification le 7 octobre 2024

Pas de vacances, des vêtements de mauvaise qualité, avoir du mal à se chauffer, ne pas pouvoir remplacer un meuble... Le manque d’argent a des répercussions concrètes sur les modes de vie et exclut des normes de la société de consommation.

Pas loin des deux tiers des ménages situés parmi les 20 % les plus modestes déclarent ne pas avoir les moyens financiers de faire face à une dépense imprévue d’environ 1 000 euros, contre 5 % des 20 % les plus riches, selon les données de l’Insee (données 2022). 56 % n’ont pas les moyens de changer leurs meubles hors d’usage et 53 %, de se payer une semaine de vacances hors de leur domicile. Un tiers ne peut, faute d’argent, avoir une activité de loisirs régulière.

Des biens d’équipement au logement, en passant par les loisirs, une partie de la population française demeure, faute de revenus, à l’écart des normes de la société de consommation. Avec un impact concret sur la vie quotidienne : habiter un logement inconfortable l’hiver, ne pas pouvoir y recevoir, ne pas avoir les moyens de profiter de ses temps de loisir, etc. Ces données éclairent aussi les inégalités entre ménages : moins de 1 % des 20 % les plus aisés déclarent n’avoir pas les moyens de se payer des vêtements neufs, contre le quart des plus modestes.

Depuis 2013, certaines privations se sont réduites, d’autres se sont renforcées. (...)

Ces données portent sur les 20 % les plus modestes, qui vivent donc avec au maximum 1 300 euros par mois pour une personne seule et 2 000 euros pour un couple : ce niveau est bien plus élevé que ce dont disposent les plus pauvres. Elles minorent de beaucoup les difficultés des personnes du bas de l’échelle des revenus, qui doivent parfois se restreindre de manière permanente sur des éléments de base comme la nourriture, comme le montrent les rapports des associations caritatives.

Beaucoup resterait à faire si l’on voulait vraiment comprendre les modes de vie des plus pauvres. L’Insee ne diffuse pas les données sur les privations pour les très faibles revenus, alors que le sujet l’imposerait. (...)

Lire aussi :

 (gu ://au.me’s blog)
Pourquoi la sobriété plaît aux riches

Pourquoi les écologies de la sobriété échouent-elles à rallier les classes populaires ? Pourquoi séduisent-elles des personnes privilégiées ? Au-delà des considérations sociologiques, on peut interroger la nature même de leur proposition.

Le zéro déchet attire des personnes privilégiées et échoue à rallier les classes populaires. C’est un constat que je fais en tant que membre de plusieurs associations autour du sujet. Dans cet article, je propose une piste d’explication. Elle s’appuie sur la nature même de ce que propose le “zéro gaspillage, zéro déchet”. À savoir : réduire la production et la consommation, pour aller vers une société sobre et juste, qui élimine le gaspillage systémique. C’est une écologie de la décroissance et de la sobriété volontaire.

Mais par construction, ce type d’écologie parle à celles et ceux qui ont le choix. Elle séduit des personnes qui pourraient ne pas être sobres. À l’inverse, elle ne rallie pas des personnes déjà “sobres” malgré elles et qui “n’ont pas le choix”. Pour adhérer à un projet de sobriété volontaire, il y a deux conditions : ne pas être sobre au départ (sinon on ne va nulle part) et avoir la liberté d’agir (sinon ce n’est pas volontaire).

Pour des personnes prises dans des contraintes très fortes, la sobriété ne propose rien d’actionnable. Elle demande de refuser, alors qu’il n’y a pas le choix. De réduire alors qu’il n’y a rien à réduire. De faire avec ce qu’on a déjà, alors qu’on n’a jamais fait autrement.

C’est une proposition imaginée à partir du vécu de personnes privilégiées. (...)

Comment entendre qu’il faut abattre la société de gaspillage, quand certain·es y sont enchaîné·es pour survivre jusqu’à la fin de la semaine ? Livreurs précaires, vendeuses des magasins de fast fashion… la sobriété collective menace directement leurs activités et pourrait empirer leur sort à court terme. Leur place dans une société décroissante reste impensée.

Si le “zéro gaspillage, zéro déchet” attire des personnes plutôt favorisées, c’est aussi parce qu’en général, leur situation économique ne dépend pas immédiatement du maintien de la destruction écologique. Et quand c’est le cas, elles ont la disponibilité (matérielle, temporelle, psychique…) de s’adapter à court ou moyen terme (changement de job, reconversion…).
Sobriété et action (...)

l’ambition de justice sociale est ancrée au sein même du projet : il s’agit de faire décroître ceux qui ont trop, tout en améliorant le niveau de vie des autres.

L’idée n’est pas de dégrader les conditions de vie de tout le monde ou de revenir en arrière (la “lampe à huile” et les amish) : c’est d’inventer autre chose. De faire mieux, pour vivre bien autrement. Le projet pourrait alors parler à des classes populaires.

Mais pour leur dire quoi ? Sinon que ce ne sont pas elles le problème. Qu’elles n’ont presque rien à faire, puisqu’elles émettent déjà très peu de CO2e et atteignent presque les objectifs de l’accord de Paris (2 tonnes de CO2e par an et par personne). Que ce qui leur manque, ce sont des infrastructures dont le développement ne dépend pas d’elles : des services publics, des systèmes de consigne, des lieux de réparation abordables…

Si les discours zéro déchet est populaire chez des personnes privilégiées, c’est aussi parce qu’il leur permet de se mettre en action. Il leur donne des choses à faire (...)

Que faire de ce constat ? Une option est d’abandonner les discours de décroissance, de sobriété volontaire et de zéro déchet quand on s’adresse aux classes populaires. On accepte qu’il s’agit d’une rhétorique inadaptée à ce public. Il ne s’agit pas de renoncer au projet de société global, mais seulement à un de ses discours de légitimation, et encore, uniquement auprès d’un certain public.