
Les réseaux criminels étendent leur mainmise sur la route migratoire des Balkans. De plus en plus de passeurs parviennent à exploiter les politiques frontalières de l’Union européenne.
Dans les zones frontalières de la Serbie, de la Bosnie et de la Hongrie, la dynamique migratoire est en constante évolution. Alors que les camps de détention aux frontières ont été fermés et que les politiques frontalières de l’Union européenne (UE) deviennent de plus en plus restrictives, les migrants empruntent des itinéraires toujours plus dangereux, contrôlés par des réseaux de trafic toujours plus sophistiqués.
C’est le constat fait par de nombreuses ONG qui travaillent avec les migrants le long de ces itinéraires.
Milica Svabic, de l’organisation KlikAktiv, une ONG serbe qui développe des politiques sociales, explique que "malheureusement, de plus en plus de migrants ont fait état d’enlèvements, d’extorsions et d’autres formes d’abus de la part de passeurs et de groupes criminels ces derniers mois."
Selon elle, des groupes de passeurs afghans opèrent actuellement aux frontières de la Serbie avec la Bosnie et la Hongrie. KlikAktiv a ainsi recueilli des témoignages d’abus commis aux deux frontières.
Le paysage changeant des réseaux de passeurs
En Serbie, ces changements sont frappants. Les camps de fortune ont disparu des zones frontalières. Désormais, les personnes migrantes se retrouvent cachées dans des appartements privés dans les centres urbains et ne se déplacent plus que la nuit.
Les bandes criminelles afghanes et des réseaux locaux ont pris le contrôle à travers une logistique complexe, clandestine et dangereuse. (...)
Milica Svabic a expliqué à InfoMigrants que son organisation a également documenté "des cas de migrants enlevés et retenus dans des lieux isolés (généralement des logements privés) jusqu’à ce que leur famille paie une rançon pour leur libération". Elle précise que cette rançon s’élève souvent à plusieurs milliers d’euros.
La plateforme d’investigation Balkan Investigative Reporting Network, le BIRN, a récemment documenté comment des membres du BWK, un gang afghan notoire opérant en Bosnie, ont retenu des demandeurs d’asile en otage dans des camps en pleine forêt, en exigeant des rançons de leurs proches, tout en les soumettant à d’horribles sévices, y compris des viols et de la torture. Ces agressions sont parfois filmées et envoyées aux familles comme preuve de vie et moyen de pression. (...)
D’autres groupes de défense des droits humains et des experts en migration rapportent des cas similaires.
Un rapport du Mixed Migration Center (MMC) relate des témoignages de vol, de violence physique et d’extorsion. Roberto Forin, du MMC, souligne toutefois que "le rapport n’identifie pas spécifiquement les groupes armés d’origine afghane comme étant les auteurs de ces actes".
L’impact des politiques frontalières et des refoulements
Le renforcement des mesures de sécurité le long des frontières expliquerait en partie cette évolution (...)
Le réseau BVMN ajoute qu’en fin de compte, "ce sont les personnes en déplacement qui sont les plus touchées par la violence que ce soit de la part des autorités publiques ou des groupes qui prétendent les aider dans leur périple". (...)
Roberto Forin du MMC prévient que "la violence et les restrictions aux frontières exacerbent la vulnérabilité des migrants à l’exploitation et aux abus".
Rados Djurovic du Asylum Protection Center souligne également le "lien direct entre les pratiques de refoulement à la frontière hongroise et l’augmentation du trafic de migrants, tant en termes d’ampleur que de violence". (...)
Les Etats concernés dans une forme de déni
Le rapport du BIRN montre que des membres du gang afghan BWK possèdent des documents d’identité délivrés par l’UE sur la base du statut de protection qui leur aurait été accordé par l’Italie.
Selon le BIRN, certains membres du gang pourraient avoir utilisé ces documents pour franchir sans encombres les frontières dans les Balkans et échapper aux autorités. Contacté par InfoMigrants, les autorités italiennes ont refusé de commenter ces allégations.
Plus largement, les Etats concernés par des accusations de refoulement ou de négligence le long de leurs frontières nient avec véhémence toute responsabilité. Cette posture pourrait encourager un sentiment d’impunité chez les passeurs.