Des milliers de séismes, des failles impressionnantes, une remontée de magma confirmée à proximité de la surface : l’Islande a vécu en état d’urgence en se préparant, depuis le 9 novembre, à un risque d’éruption volcanique imminente. Dans le sud-ouest de l’île, la ville de Grindavik a été évacuée et un mur a été élevé pour protéger une centrale géothermique d’éventuelles coulées de lave.
L’alerte a depuis été levée mais la situation est particulièrement surveillée puisqu’elle intervient dans une zone très peuplée et à proximité d’installations critiques. Elle n’a toutefois rien de surprenant : l’Islande est entrée dans une nouvelle période d’activité volcanique depuis plusieurs années et compte plus d’une trentaine de systèmes volcaniques actifs. Une question relativement nouvelle fait cependant l’objet de recherches croissantes chez les volcanologues : le changement climatique est-il en train d’accroître la fréquence et l’intensité de ces éruptions ?
Moins de glaciers, plus de magma (...)
« Nous commençons à réaliser que la géosphère et l’hydrosphère sont des composants interconnectés de manière complexe dans le système terrestre, caractérisés par des boucles de rétroaction positives et négatives. Ce sont des mécanismes passionnants, mais mal compris, principalement parce que nous avons commencé à les étudier seulement récemment », prévient Jamie Farquharson, volcanologue, professeur à l’université de Niigata, au Japon.
Le premier effet majeur tient à la fonte des glaciers (...)
Or, cette perte de masse entraîne une baisse de pression sur la roche sous-jacente, ce qui facilite la production de magma. (...)
Lors de la dernière grande déglaciation, il y a 12 000 ans, le retrait massif des glaciers a entraîné un regain d’activité volcanique, dont les cendres ont été retrouvées par les chercheurs dans les sédiments. (...)
Précision notable : les auteurs identifient une inertie forte, d’environ 600 ans, entre le mouvement des glaciers et la hausse de l’activité volcanique. Un résultat en contradiction avec une étude plus ancienne, parue en 2008 dans Geophysical Research Letters. Les scientifiques s’étaient penchés sur le cas du Vatnajökull, la plus grande calotte glaciaire d’Islande, et avaient calculé que la perte d’environ 10 % de sa masse au XXᵉ siècle avait entraîné une hausse équivalente de la production de magma. De quoi étayer l’hypothèse d’une hausse de l’activité volcanique dès « les prochaines décennies », selon les auteurs. (...)
Les pluies extrêmes fracturent les roches
Les bouleversements climatiques de l’eau liquide ont également un impact sur nos volcans. (...)
Ces phénomènes, aussi voués à augmenter en fréquence et en intensité avec le changement climatique, sont corrélés à un surplus d’activité volcanique dans de nombreux cas étudiés, via différents mécanismes potentiels, « opérant de l’échelle de la minute à celle du millénaire », précise l’étude de 2022. (...)
En saturant les sols en eau, la pluie peut y augmenter la pression et favoriser des failles et fractures propices au déclenchement d’éruptions (...)
Le risque est d’autant plus concret que certaines régions, comme le Japon, les Philippines ou les Antilles concentrent beaucoup de volcans actifs et sont aussi concernées par les multiplications à venir des pluies extrêmes. Mais savoir quand et avec quelle intensité tout cela va se produire reste une gageure. (...)
Malgré toutes ces incertitudes, une hausse d’activité volcanique ne serait évidemment pas sans conséquences. Notamment sur le climat lui-même. (...)
Quoi que les volcans nous réservent, les chercheurs soulignent aussi que leurs éruptions auront lieu à l’avenir dans un contexte où nous serons, nous, de plus en plus vulnérables. (...)