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Comment la nature est devenue un champ de bataille colonial
#nature #colonisation #resistances
Article mis en ligne le 8 octobre 2025
dernière modification le 5 octobre 2025

Plantations, barrages, réserves : les empires coloniaux ont façonné la nature autant que les sociétés. Une domination parsemée de révoltes et de négociations, montrent les historiens Guillaume Blanc et Antonin Plarier dans un livre collectif.

Et si l’on relisait l’histoire coloniale par ses forêts, ses rivières, ses plantations et ses animaux ? C’est l’ambition d’Empires. Une histoire sociale de l’environnement, un livre collectif coordonné par l’historien Guillaume Blanc, professeur à Sciences Po Bordeaux, spécialiste des empires coloniaux et des politiques de conservation, et par Antonin Plarier, maître de conférences à l’université Lyon 3, qui travaille sur l’histoire environnementale et sociale des sociétés africaines.

L’ouvrage rassemble des textes fondateurs, pour la première fois traduits en français, et montre comment les entreprises coloniales ont profondément transformé les environnements qu’elles ont conquis. Des forêts indiennes mises sous contrôle à la création de réserves de chasse en Tanzanie, des plantations d’hévéa au Vietnam au barrage de Cahora Bassa au Mozambique, ces histoires révèlent un fait central : gouverner les hommes passait aussi par gouverner la nature.

Mais la domination n’a jamais été totale. Les populations colonisées ont résisté, négocié, parfois retourné les logiques coloniales contre elles-mêmes. Les paysages d’aujourd’hui portent encore l’empreinte de ces affrontements, et éclairent les inégalités environnementales actuelles. Nous avons interviewé Guillaume Blanc et Antonin Plarier pour comprendre ce que l’histoire environnementale des empires dit du passé colonial, et ce qu’elle révèle de notre présent. (...)

Guillaume Blanc — La conclusion à laquelle nous arrivons, c’est qu’il y a toujours domination, mais qu’elle ne prend jamais la forme que l’on croit. Car le projet impérial est aussi mis en œuvre, quoique sous la contrainte, par les colonisés eux-mêmes. Cela crée une conflictualité permanente, à la fois sociale et environnementale. (...)

Vous établissez enfin un lien entre colonialisme environnemental et inégalités écologiques actuelles. Comment cette continuité éclaire-t-elle notre monde ?

Guillaume Blanc — Le concept d’« échange écologique inégal » permet de comprendre ce lien. L’idée vient du sociologue Immanuel Wallerstein, qui a montré que le système-monde reposait sur un échange économique inégal entre un centre et des périphéries. L’historien Alf Hornborg a prolongé ce raisonnement en montrant que cet échange était aussi écologique : certaines régions fournissent les ressources, d’autres en récoltent les profits. (...)

Empires. Une histoire sociale de l’environnement, sous la direction de Guillaume Blanc et Antonin Plarier, aux éditions CNRS, 2 octobre 2025, 432 p., 27 euros.