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Comment la France peut nous abandonner de cette manière ?" : à Rennes, 300 migrants vivent dans un des derniers campements informels de France
#France #migrants #exiles #immigration #campements #Rennes
Article mis en ligne le 20 octobre 2025
dernière modification le 17 octobre 2025

Depuis sept mois, la ville de Rennes, en Bretagne, abrite un des derniers campements de migrants de France métropolitaine, à l’heure où les autorités démantèlent quasi systématiquement chaque nouveau lieu de vie informel. Environ 300 exilés, dont de nombreux enfants, vivent dans le parc de Maurepas, au nord de la ville, dans des conditions précaires. Reportage.

(...) Depuis le 17 mars, un campement de migrants s‘est formé dans le parc de Maurepas, quelques jours avant la fin de la trêve hivernale. Comme chaque année depuis 2019, ce lieu se transforme en camp de fortune l’espace de quelques mois – jusqu’à ce que des militants ouvrent des squats, tolérés par les autorités pendant l’hiver mais expulsés à la fin de la trêve. Tous les ans, les Rennais observent le même ballet. (...)

Mais cette année, un facteur diffère : le camp n’a jamais accueilli autant de personnes au même moment. Actuellement, environ 300 migrants vivent là, dont 85 enfants, selon les chiffres de l’association Utopia 56, une des seules à intervenir sur place. Parmi eux, on compte une quarantaine de mineurs isolés et une quinzaine d’enfants de moins de trois ans. À cette même période en 2024, les militants avaient recensé 150 personnes, moitié moins. "Cette année, on pense qu’aucun squat ne sera ouvert car il y a beaucoup trop de monde", signale Suzanne Mamet, co-coordinatrice d’Utopia 56 à Rennes. (...)

Ce camp, de taille aussi importante, est un des derniers à perdurer en France métropolitaine, à l’heure où les autorités prônent une politique du "zéro point de fixation" et délogent quasi systématiquement tout nouveau lieu de vie informel. Dans la capitale, ce genre de campement a totalement disparu. Les migrants se cachent, "s’invisibilisent", déplorent les ONG. Sur le littoral nord, il existe certes encore quelques tentes mais elles sont disséminées dans les bois autour de Calais et de Dunkerque notamment, et régulièrement démantelées.
"Aucun être humain ne devrait vivre comme ça"

Dans le parc de Maurepas, "le monde entier est présent", note Fabien Touchard, co-coordinateur de l’antenne rennaise d’Utopia 56 : des Africains subsahariens, des Maghrébins, des Géorgiens, des Kosovars et même quelques Ukrainiens. Certaines de ces personnes sont en situation régulière, d’autres sans-papiers.

Si les personnes en règle déplorent "l’abandon" de l’Etat à leur égard, d’autres occupants du campement, en revanche, ne peuvent rien espérer. Les étrangers déboutés de l’asile - et ayant épuisé tous leurs recours - sont généralement détenteurs d’une Obligation de quitter le territoire français (OQTF). A ce titre, les autorités ne leur fournissent plus ni logement, ni aides financières, et leur demandent de quitter le sol national.

"Aucun être humain ne devrait vivre comme ça", souffle toutefois Trésor Boko, responsable du collectif des immigrés abandonnés et des mineurs isolés de Rennes (Ciamir). (...)

Au fil du temps, Trésor est devenu le référent du campement et se montre indispensable à l’organisation du lieu. Celui que les habitants surnomme "président" est sans cesse sollicité. "Dès que j’apparais quelque part, on me demande quelque chose : un problème avec le gaz ou dans les toilettes, untel n’a pas de matelas ou de couette, etc. Je fais de mon mieux pour essayer de régler les choses", assure-t-il.

Trésor, il est vrai, ne peut pas faire un pas sans que quelqu’un ne vienne le voir : là, une femme à la recherche d’une bâche ; ici un membre associatif lui demande son avis pour prêter une tente vide à un migrant ; ou encore un mineur isolé à la recherche de palettes pour surélever son abri. "Ils viennent même me voir la nuit quand il y a trop de bruit par exemple", affirme le Congolais. (...)

Il faut dire que les besoins des exilés sont immenses. Deux toilettes de chantier ont bien été installées par la mairie au début de leur occupation, et le parc compte deux latrines publiques. Mais les premières sont considérées comme "trop sales" par les migrants et les autres se situent à 200 mètres des habitations de fortune. (...)

Tant bien que mal, la vie a beau s’être organisée dans le campement, les exilés ne cachent pas leur désespoir. "On souffre ici. On ne dort pas bien, on tombe malade car il fait froid le soir. Comment va-t-on faire cet hiver dans ces conditions ?", s’inquiète Elodie Mbangayo. "Souvent, j’ai envie de mourir. Comment la France peut nous abandonner de cette manière ?" (...)

Hormis Utopia 56, aucune association ne vient régulièrement dans le parc de Maurepas. Résultat : les migrants n’ont pas accès aux soins, à des distributions de nourriture ou à une aide juridique. Utopia 56 organise chaque semaine des permanences pour tenter de répondre aux problèmes. "C’est un moment d’échange, on essaye d’aider les gens et de prendre du temps pour donner du matériel", précise Suzanne Mamet.

Cette dernière déplore l’isolement de ces personnes qui les rend particulièrement vulnérables et les expose aux dangers de la rue, notamment les femmes et les mineurs. "L’association l’Amicale du nid nous a déjà dit que des femmes de ce camp ont été recrutées par des proxénètes et embrigadées dans des réseaux de prostitution", rapporte Suzanne Mamet. (...)

Mais au milieu de cette précarité, on apprend aussi parfois des bonnes nouvelles. Alors qu’elle échange avec des bénévoles, Suzanne est interpellée par Médina, une petite fille de sept ans, originaire du Kosovo : "On a trouvé une maison", lance-t-elle gaiement, tout en sautillant. La fillette vit dans le camp depuis quatre mois avec ses trois autres sœurs et sa mère.

Cette famille vient d’apprendre que dans une semaine, elle sera hébergée par la mairie dans le cadre du programme "Hospitalité" de Rennes qui loge des sans-papiers jusqu’à la majorité des enfants. Ce dispositif inédit compte 900 places. (...)