
Depuis l’offensive d’Israël sur Gaza, les manifestations de soutien à la cause palestinienne ont réuni de nombreux jeunes. Héritant d’un cadre militant structuré depuis la fin des années 1960, ils reformulent les raisons de leur engagement avec leurs propres concepts, marqués par les discours post-coloniaux et antiracistes.
Interdites pendant plusieurs semaines après l’attaque perpétrée par le Hamas le 7 octobre dernier, les manifestations propalestiniennes ont réuni des dizaines de milliers de personnes dans toute la France. Malgré la consigne initiale du ministère de l’intérieur, finalement invalidée par le Conseil d’État, les rassemblements n’ont jamais cessé depuis le début de l’offensive israélienne sur Gaza.
« C’est le seul conflit international capable de mobiliser autant de personnes en France », rappelle Marc Hecker, chercheur à l’Institut français des relations internationales (Ifri) et auteur de l’ouvrage Intifada française, une importation du conflit israélo-palestinien (Ellipse, 2014).
La cause palestinienne est aujourd’hui portée par une myriade d’associations et de collectifs, à l’image d’une mouvance très diverse et traversée par des clivages.
Dans les cortèges, beaucoup de jeunes expliquent être venu·es à titre individuel, manifestant parfois pour la première fois. Qui sont aujourd’hui les « nouvelles » et « nouveaux » sympathisants de la cause palestinienne en France (...)
Tous et toutes le disent : les images de la population de Gaza sous les bombes, avec des milliers de victimes civiles, parmi lesquelles une effroyable proportion d’enfants, ont suscité chez eux une profonde émotion.
« Enfants de Gaza, enfants de Palestine, c’est l’humanité qu’on assassine ! », hurle une jeune femme. « Ce qui se passe là-bas est horrible, la population est bombardée, elle meurt de faim », lance Nax, qui travaille dans une association de soutien aux réfugié·es. « Quand des hôpitaux sont bombardés, il ne faut pas se poser de questions », poursuit-elle. (...)
Avec, comme tous et toutes le soulignent aussi, l’indignation de voir ce peuple « abandonné par l’Occident », qui a choisi de soutenir l’offensive militaire d’Israël. « Israël assassin, Macron complice », est ainsi scandé régulièrement. (...)
L’idée d’un « deux poids, deux mesures », présente depuis des années dans les mobilisations propalestiniennes, revient aussi constamment dans la bouche des manifestants et manifestantes, qui pointent, comme Jeanne, salariée de 28 ans, le fait que les vies des Palestiniens « valent clairement moins que celles des Israéliens ».
L’interdiction initiale des manifestations est constamment rappelée comme le signe de ce traitement inégal.
Ce discours qui insiste notamment sur la fracture Nord-Sud, le peuple palestinien devenant l’emblème des populations opprimées par l’impérialisme occidental, est clairement l’héritier du cadre tiers-mondiste des premières mobilisations en faveur de la Palestine, à la fin des années 1960, souligne le chercheur Marc Hecker. (...)
Comment se positionnent ces jeunes manifestant·es de la cause palestinienne vis-à-vis du Hamas après l’attaque du 7 octobre, qui a fait 1 400 morts en Israël ? La question agace souvent. « Moi je suis là pour le peuple palestinien, je n’ai pas envie de parler du Hamas », évacue Leïla. Si beaucoup condamnent les massacres commis le 7 octobre, tous et toutes tiennent au minimum à recontextualiser cette flambée de violences. (...)
« Il faut voir que les générations actuelles n’ont pas connu Israël gouverné par la gauche. Elles n’ont pratiquement connu que Nétanyahou. Cela peut avoir pour conséquence une forme de radicalisation de leur discours », pointe Thomas Maineult, qui décrit des partis politiques « un peu dépassés ».