
Israël, qui assiège et affame la population de Gaza en entravant l’aide humanitaire, parle d’un mouvement de foule pour expliquer la centaine de morts jeudi à Gaza-ville. Mais les tirs de soldats israéliens sont avérés. Les condamnations internationales se multiplient.
Des centaines de personnes ont été tuées et blessées jeudi 29 février alors qu’elles se précipitaient vers des camions d’aide humanitaire, rue Al-Rashid, dans la ville de Gaza, la principale ville du nord de l’enclave palestinienne, assiégée et menacée de famine.
Dans ce territoire massivement bombardé depuis le 7 octobre 2023, aucun convoi n’a pu être acheminé depuis le 23 janvier, selon l’Organisation des nations unies (ONU), qui dénonce les entraves des autorités israéliennes, ne laissant entrer qu’au compte-goutte l’aide humanitaire.
Le convoi, d’une trentaine de véhicules selon l’armée israélienne, est entré dans la ville par la route côtière, vers quatre heures du matin, jeudi 29 février. Alertées par la rumeur d’une arrivée de nourriture, des milliers de personnes s’étaient massées, en pleine nuit, au niveau du rond-point de Naplouse.
Le Hamas, qui contrôle le ministère de la santé, annonce plus d’une centaine de morts et plus de 760 blessés. Surtout, il accuse l’État hébreu d’avoir tiré sur la population et perpétré « un massacre ». Tout comme l’Autorité palestinienne, qui condamne, depuis la Cisjordanie occupée, « un massacre odieux commis par les forces d’occupation ».
Les autorités israéliennes rejettent toute responsabilité, reconnaissant seulement des tirs « limités » sur la foule, au motif qu’une partie de celle-ci se serait trop approchée des positions de ses soldats. Selon elles, les personnes ont été piétinées par la foule lors de bousculades ou écrasées par les chauffeurs des camions qui leur auraient roulé dessus. (...)
Pour appuyer sa version, l’État hébreu a fourni des fragments d’images de drones, mais qui n’accréditent pas sa thèse. Ces images, triées sur le volet, de courte durée et de mauvaise qualité, suffisent, en revanche, à attester de l’ampleur du chaos dans le territoire palestinien, provoqué par le blocus total imposé par Israël depuis près de cinq mois et la rareté de l’aide humanitaire. (...)
Dans les images déshumanisantes au possible des drones de l’armée israélienne, on voit des centaines de silhouettes, poussées par la faim, se précipiter sur les camions d’aide et tenter d’attraper les sacs de nourriture jetés à l’arrière. Sur d’autres encore, on voit deux chars israéliens stationnés près de la route, au moins une douzaine de corps gisant à proximité, ainsi que des personnes rampant et se baissant pour se mettre à l’abri.
Plusieurs services de santé de la ville ont livré le même témoignage et affirmé avoir reçu un grand nombre de blessé·es par balles (...)
Dans une vidéo éclairante, le quotidien américain The New York Times a juxtaposé les images fournies par l’armée israélienne et celles diffusées par la chaîne qatarie Al Jazeera. Ces dernières offrent un autre point de vue et viennent corroborer les nombreux témoins, cités notamment par l’AFP, qui affirment avoir vu les soldats israéliens tirer sur les civils. (...)
Selon Le Monde, le convoi a été « affrété » par les autorités israéliennes « sans aucun dialogue avec les agences des Nations unies (...) ni avec l’administration civile ». Ce que confirme dans un entretien à Mediapart Philippe Lazzarini, le commissaire général de l’UNRWA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens : « Il n’y a eu aucune implication d’aucune agence des Nations unies : ni l’UNRWA ni le Programme alimentaire mondial. Et nous n’avons pas connaissance qu’une autre organisation humanitaire ait été impliquée. Nous ne savons pas précisément à cette heure quelle est la nature de ce convoi, qui l’a organisé, et à quelle fin ». (...)
Depuis la tuerie, survenue le jour où le Hamas a annoncé que plus de 30 000 personnes, en majorité des femmes et des enfants, ont été tuées depuis le début de la guerre à Gaza, les condamnations internationales se multiplient (...)
Jeudi, le président américain, Joe Biden, qui fait face à une colère grandissante contre le soutien des États-Unis à Israël, a répondu : « Nous vérifions ça en ce moment. Il y a deux versions contradictoires de ce qui s’est produit. Je n’ai pas encore de réponse. » (...)
La tragédie du 29 février, qui a conduit le Conseil de sécurité à se réunir en urgence et à huis clos jeudi soir, fragilise encore l’espoir d’une trêve avant le début du ramadan, mois de jeûne sacré pour les musulmans qui commence le 10 ou le 11 mars. (...)