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Mediapart
Canal Seine-Nord Europe : des militants occupent des arbres contre le « chantier du siècle »
#ecureuils #chantiers #biodiversite #resistances #CanalSeineNordEurope
Article mis en ligne le 1er février 2025

Long de 107 kilomètres, l’ouvrage vise à relier à l’horizon 2030 l’agglomération parisienne avec le réseau fluvial du nord de la France et du Benelux. À Compiègne, ses opposants dénoncent un mégaprojet inutile et loin d’être écologique.

« Si on occupe des arbres, ce n’est pas vraiment par choix, mais c’est parce que c’est le seul moyen de se faire entendre. » À la cime de l’un des platanes de la rue de l’Estacade, Maka* et son camarade Bertrand* font partie des « écureuils », comme on appelle, entre militant·es, celles et ceux qui investissent ces arbres.

Un lieu choisi pour sensibiliser sur l’abattage des arbres à proximité du chantier, bien sûr, mais surtout dénoncer l’inutilité d’un projet aussi titanesque. Long de 107 kilomètres et large de 54 mètres, le canal Seine-Nord sera creusé de Compiègne à Aubencheul-au-Bac, près de Cambrai (Nord), pour une mise en service prévue en 2030. Financé par l’Union européenne et les collectivités locales, il est un maillon essentiel du projet de réseau fluvial Seine-Escaut.

Pour lutter contre le projet, ce sont cinq personnes qui ont installé leurs hamacs sur la canopée dans la nuit du mardi 28 au mercredi 29 janvier. Membres du collectif local « Méga canal non merci » et des Soulèvements de la terre, ils et elles occupent deux arbres de façon indéfinie.

« On est en pleine période d’abattage des arbres [dans la zone de travaux – ndlr], donc même si ce ne sont pas ces arbres qui sont concernés pour le projet, l’objectif est de sensibiliser à la lutte, explique Pana*, membre des Soulèvements de la terre et étudiante à l’université de technologie de Compiègne. L’idée est d’avoir un maximum de visibilité. Ce n’est pas très loin de la Maison du canal, donc c’est vraiment une sorte de coup de pub pour que les gens, les médias et les personnalités politiques puissent venir voir directement. » (...)

La Maison du canal, animée par le maître d’ouvrage, la Société du canal Seine-Nord Europe (SCSNE), propose aux habitant·es de se renseigner sur le projet. Car un peu plus loin, à la sortie de la ville, les travaux d’infrastructure ont déjà commencé depuis plusieurs mois (...)

Le chantier comprend trois ponts-canaux, dont un d’une longueur de 1,3 kilomètre, la création de soixante-deux ponts ainsi que le développement de quatre ports intérieurs. (...)

Une utilité remise en question

À l’heure de la fuite des routes au profit de moyens de transport de marchandises moins émetteurs de gaz à effet de serre, le canal est présenté comme « écologique », sa première caractéristique selon le maître d’ouvrage du projet. « Que dalle, juge Bertrand. Quand on regarde ce qu’ils vendent comme étant une contribution écologique, notamment le report modal, c’est-à-dire moins de camions sur les routes, c’est faux. » (...)

Le projet inclut également la construction de quatre ports internes au canal, amenés comme un argument de création d’emplois par les promoteurs. Mais pour les opposant·es, la dimension sociale n’engagera que de la précarité. « Sur ces quatre ports, je pense qu’il y aura des emplois logistiques précaires. Ils ont surestimé les estimations d’emploi, on l’a vu avec des anciens projets du même type, par exemple au port de Liège », prévoit Pana.

Des conséquences sur la biodiversité (...)

« Nous, on est pour réhabiliter les canaux qui existent, et pour le fluvial. C’est juste une échelle à laquelle il y a un effet qui est irréaliste. Et qui ne repose sur rien, car le canal qui existe aujourd’hui, il est à 50 % de ses capacités », développe Pana.

Pour Jacques Delhay, le jeu n’en vaut pas la chandelle : « On détruit une zone naturelle qui est d’une richesse incroyable et on dit qu’on va la recréer à côté. Mais toutes ces dégradations, ce n’est pas nous qui allons le payer, c’est nos successeurs, nos enfants et nos petits-enfants. »

Car dans le cœur du projet, la destruction de 3 300 hectares de zones agricoles fertiles est prévue. Et pour compenser, le maître d’œuvre prévoit la création de nouvelles zones humides artificielles. Un non-sens pour ces militant·es, qui prévoient de rester au sommet de ces arbres pour continuer la sensibilisation mais surtout alerter les pouvoirs publics.