
Alors que, le 6 mai 2025, la Commission européenne a dévoilé une feuille de route, avec pour intention affichée de mettre fin aux importations d’énergies fossiles et nucléaires russes d’ici la fin 2027, Bruxelles a franchi une nouvelle étape le 22 mai en votant la surtaxation des engrais chimiques. Dans ce contexte, Greenpeace France dénonce le double discours d’Emmanuel Macron qui n’agit pas suffisamment pour mettre un terme au commerce avec la Russie alors qu’il affiche publiquement un fort soutien à l’Ukraine.
À 10h30 ce matin (2 juin), des activistes de Greenpeace France ont emprunté la statue d’Emmanuel Macron au musée Grévin, estimant qu’il ne mérite pas d’être exposé, dans cet établissement culturel à la renommée mondiale, tant qu’il n’aura pas fait rompre les contrats français avec la Russie et impulsé une transition écologique ambitieuse et pérenne à l’échelle européenne.
Plus tard dans la journée, à 14h45, une dizaine d’activistes se sont rendus devant l’ambassade de Russie à Paris, en présence de la statue d’Emmanuel Macron, pour y déployer une banderole dénonçant les transactions actuelles avec la Russie notamment le gaz, le nucléaire et les engrais chimiques.
Un double discours inacceptable
Depuis le début de la guerre en Ukraine, Emmanuel Macron se fait le chantre de la résistance à l’armée russe, tout en continuant de commercer activement avec la Russie, dans des secteurs stratégiques comme le gaz, les engrais chimiques et le nucléaire. Greenpeace France a publié le 14 avril dernier un dossier de presse synthétisant ces dépendances.
Cette posture ambiguë affaiblit la crédibilité de la France sur la scène internationale en plus d’alimenter les caisses de guerre du Kremlin.
→ Trois ans après le début de l’invasion de l’Ukraine, la France est devenue le premier importateur européen de gaz naturel liquéfié (GNL) russe, avec une hausse de près de 80 % en 2024 (par rapport à 2023), malgré une baisse de la consommation de gaz. La Russie est le deuxième fournisseur de GNL en France, après les États-Unis (sources dans le dossier de presse).
→ Depuis le début de la guerre en Ukraine, la production européenne d’engrais chimiques a chuté en raison des tensions sur l’approvisionnement en gaz. Pour compenser, la France a massivement augmenté ses importations depuis la Russie : entre 2021 et 2023, elles sont passées de 402 000 à 750 000 tonnes, soit une hausse de 86 % (sources dans le dossier de presse).
→ Au sujet du nucléaire, Framatome, le géant français de l’atome, et Orano, continuent de collaborer étroitement avec Rosatom, entreprise d’État russe fondée par Vladimir Poutine, pour la conversion de l’uranium de retraitement dont les centrales françaises sont dépendantes à 100 %. Pire encore : la France contribue indirectement à renforcer l’influence de la technologie nucléaire russe dans le monde, en participant au projet de la centrale de Paks en Hongrie, construite par Rosatom (sources dans le dossier de presse).
Une action pour exiger la fin des contrats avec la Russie
Devant l’ambassade de Russie à Paris, une dizaine d’activistes ont déployé une banderole : « L’Ukraine brûle, les affaires continuent », à côté d’un autre message « Business is business » et des billets ont été lancés pour dénoncer cette réalité cynique : les profits passent avant le soutien à l’Ukraine.
Sur place, un invité surprise était également présent, la statue de cire d’Emmanuel Macron, emprunté le matin même au musée Grévin pour ne plus le laisser profiter de ce rayonnement culturel, dans un lieu emblématique alors que la France est complice de l’effort de guerre en Russie. A ses pieds, trois panneaux de signalisation symbolisaient chacun : “gaz”, “uranium” et “engrais chimiques”, dénonçant la pérennité du commerce de la France avec le Kremlin dans ces trois secteurs stratégiques.
Plus tôt dans la journée, lors de l’emprunt de la statue d’Emmanuel Macron au musée Grévin à Paris, Greenpeace France a déroulé une banderole « Business is business », et déposé une photo complice d’Emmanuel Macron avec Vladimir Poutine sur le bureau du président de la République, pour dénoncer le double discours de la France sur l’Ukraine et le manque de cohérence politique dans les actes d’Emmanuel Macron.
Un statu quo qui ne peut plus durer
→ Greenpeace France appelle la France et l’Union européenne à sortir des énergies fossiles, de manière juste, et notamment du gaz d’ici 2035 ainsi qu’à interdire tout nouveau projet fossile sur le territoire et mettre fin à tout investissement lié aux énergies fossiles.
Pour Edina Ifticene, responsable de la campagne Énergies fossiles à Greenpeace France :
« Continuer à miser sur les énergies fossiles, c’est nourrir des régimes autoritaires et condamner toute transition écologique juste. Il faut interdire dès maintenant tout nouveau projet fossile, sortir du gaz d’ici 2035, et rompre avec ce système violent et obsolète. »
→ Greenpeace France exige la rupture des contrats d’importation de combustibles nucléaires entre les entreprises françaises (Framatome, Orano) transitant ou provenant de la Russie afin qu’ils ne passent plus entre les mains de Rosatom.
Pour Roger Spautz, chargé de campagne Transition énergétique à Greenpeace France :
« Emmanuel Macron doit renoncer à sa relance du nucléaire. S’obstiner dans cette trajectoire, c’est persister dans une dépendance dangereuse à des régimes hostiles comme la Russie, et continuer à financer l’industrie d’un régime criminel. Il n’y a ni souveraineté, ni transition énergétique, ni paix possible avec l’uranium de Vladimir Poutine. Il est temps d’en finir avec ce double discours et de tourner la page du nucléaire, une bonne fois pour toutes. »
→ Greenpeace France demande la mise en place de sanctions sur les importations d’engrais chimiques russes et l’arrêt de ces importations sur les sols français et européens, sans reporter cette dépendance sur d’autres pays.
Pour Sandy Olivar Calvo, chargée de campagne Agriculture pour Greenpeace France :
« L’Union européenne doit aller au bout des sanctions sur les importations d’engrais russes, ne doit pas tomber dans le piège de remplacer une dépendance par une autre en facilitant les importations via d’autres pays tiers. Nous dénonçons le non-sens d’aller vers une agriculture toujours plus productiviste qui est notamment dépendante d’engrais chimiques russes. C’est un non-sens politique, stratégique et dangereux pour la résilience de notre modèle agricole et alimentaire. Pour assurer une réelle souveraineté agricole, il est nécessaire d’engager sur le long terme une transition agroécologique. »
Alors qu’elle soutient l’Ukraine sur la scène diplomatique, la France continue de commercer avec la Russie, en important gaz, uranium et engrais chimiques. De la même manière, Emmanuel Macron affiche des objectifs climatiques tout en ralentissant voire détricotant les mesures écologiques (SNBC, PNACC, LOA, projet de loi Duplomb, etc.). Pourtant, la transition écologique, notamment énergétique et agroécologique est la seule voie possible pour répondre à l’urgence climatique et aux crises internationales, particulièrement dans un monde déstabilisé, aux tensions internationales fortes. La transition écologique est un impératif, pour la souveraineté européenne, pour l’environnement et pour la paix.
Lire aussi :
– (France24/AFP)
Greenpeace vole la statue de Macron au musée Grévin et la dépose devant l’ambassade de Russie
Des militants de Greenpeace ont déposé devant l’ambassade de Russie la statue en cire d’Emmanuel Macron, dérobée plus tôt au musée Grévin. L’ONG entendait dénoncer les liens économiques qui perdurent entre Moscou et les entreprises françaises.
Le président de la République en visite à l’ambassade de Russie ? Non, sa statue en cire. Dérobée au musée Grévin, lundi 2 juin, par des militants de Greenpeace, la statue d’Emmanuel Macron a été déposée devant l’ambassade de Russie en signe de protestation contre les liens économiques de la France avec Moscou.
Selon une source policière, deux femmes et un homme sont entrés, lundi matin, dans le musée parisien, situé dans le IXe arrondissement (centre). Après s’être changés, se faisant passer pour des artisans ou des employés de l’établissement, ils ont réussi à dérober la statue, d’une valeur de 40 000 euros, en la dissimulant sous une couverture et en sortant par une issue de secours. (...)
L’action devant l’ambassade n’a duré que quelques minutes : un drapeau russe a été déployé derrière la statue d’Emmanuel Macron et un militant de l’ONG a brandi une pancarte jaune fluo portant l’inscription "Business is business". Des membres de Greenpeace ont lancé de faux billets de banque.
Gaz et engrais russes
"Pour nous la France joue un double jeu" et "Emmanuel Macron incarne ce double discours : il soutient l’Ukraine mais encourage les entreprises françaises à continuer à faire commerce avec la Russie", a déclaré Jean-Francois Julliard, directeur général de Greenpeace France.
L’ONG veut protester contre les liens économiques entre la France et la Russie dans les secteurs du gaz, des engrais chimiques et du nucléaire. (...)
"On vise nommément Emmanuel Macron, parce qu’il a une responsabilité toute particulière dans cette situation là", a ajouté Jean-François Julliard. "C’est lui qui devrait être le premier dans les discussions européennes" pour mettre fin aux contrats commerciaux entre la Russie et les pays européens.
L’effigie en cire de Jacques Chirac avait elle aussi été dérobée au musée Grévin, en décembre 1983, lorsqu’il était maire de Paris, avant d’être retrouvée quelques jours plus tard au zoo de Vincennes.
Celle de Georges Marchais, secrétaire national du PCF, avait elle été dérobée par un groupe nationaliste en 1980 et retrouvée au Jardin des plantes à Paris.
Enfin, pendant son mandat à l’Élysée (1974-1981), la statue de Valéry Giscard d’Estaing avait été subtilisée par des motards en colère.