
Logement, travail, écologie, industrie… Le projet de loi de finances pour 2025, adopté définitivement le 6 février, propose de multiples coupes dans le budget de l’État. Elles auront des impacts néfastes sur l’économie, à court et à long terme. Mediapart a recensé les plus délétères.
C’en est donc fini des débats budgétaires pour ce qui concerne le périmètre des dépenses de l’État. Jeudi 6 février, le Sénat a adopté définitivement le projet de loi de finances, vingt-quatre heures à peine après le rejet de la motion de censure du gouvernement de François Bayrou déposée par La France insoumise (LFI) à l’Assemblée nationale.
Ce texte, qui a été construit par les gouvernements Attal à l’été 2024, Barnier à l’automne et enfin Bayrou cet hiver, propose une direction clairement austéritaire, puisqu’il impose une réduction d’environ 50 milliards d’euros du déficit public, par rapport au niveau qu’il aurait atteint à financement constant des services publics.
Un effort « jamais vu depuis vingt-cinq ans », s’est vanté François Bayrou, dont près de la moitié (entre 23 et 24 milliards d’euros) va reposer sur les dépenses de l’État. La Sécurité sociale, dont le budget n’est pas encore définitivement adopté, devrait participer pour environ 8 milliards, et les collectivités locales pour 2 milliards. Les rentrées fiscales, pour leur part, devraient finir en hausse d’environ 16 milliards d’euros. (...)
La justification principale, par l’exécutif, de ce budget d’austérité est de remettre les comptes publics d’équerre pour passer le déficit sous les 3 % du PIB en 2029. Or, les lecteurs et lectrices attentives auront noté que si les comptes publics ont dérapé ces derniers mois, ce n’est pas à cause d’une administration publique qui aurait grossi plus que de mesure, ou de dépenses sociales qui auraient explosé, mais bien parce que les gouvernements d’Élisabeth Borne et de Gabriel Attal se sont complètement fourvoyés dans leurs prévisions et analyses économiques.
Ces erreurs ont creusé un trou béant dans les comptes publics : près de 70 milliards d’euros en cumulé en 2023 et 2024, dont 80 % s’expliquent par de trop faibles rentrées fiscales, notamment de l’impôt sur les sociétés (IS). Après des années à réduire la fiscalité des plus riches et des grandes entreprises, une telle hypothèse n’avait pourtant jamais été envisagée.
C’est donc pour pallier toutes ces erreurs que l’exécutif actuel, du même bord politique que ses prédécesseurs, effectue des coupes violentes, notamment dans le budget de l’État. (...)
Logement : la politique de la honte
Le 1er février 2025, la Fondation pour le logement des défavorisés (ex-Fondation Abbé Pierre) s’alarmait dans son nouveau rapport d’une hausse du nombre de personnes mal logées (4,2 millions) et de l’allongement de la file d’attente pour le logement social (...)
La réponse du gouvernement cette année ? Couper encore plus dans les finances de la mission « cohésion des territoires » du budget de l’État, qui intègre, entre autres, les APL, les soutiens au logement social et la rénovation énergétique. (...)
Éducation et enseignement supérieur : l’avenir de la jeunesse sacrifié
Contrairement à ce que les membres de l’exécutif et les éditorialistes de plateaux de télévision clament à longueur de journée, le fardeau que l’on laisse aux générations futures n’est pas celui de la dette publique, mais bien l’austérité que l’on fait subir chaque année aux budgets de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur. (...)
Les montants alloués à l’Éducation nationale, toujours en tenant compte de l’inflation, sont réduits de 1,2 milliard d’euros. Une coupe significative. Côté recherche et enseignement supérieur, la baisse est similaire (− 1,3 milliard).
Travail : coup de rabot sur les apprentis (...)
les bons chiffres du chômage sous Macron ont principalement reposé sur la perfusion publique du secteur privé pour embaucher des apprenti·es. Que va-t-il se passer si cela se termine ?
Écologie : une hausse en trompe-l’œil
Dans les documents de Bercy, on découvre que le budget de la mission « écologie, développement et mobilités durables » pour 2025 serait en hausse de 1,9 milliard en volume par rapport à 2024. Une excellente nouvelle ? Pas si sûr.
En effet, cette hausse significative est uniquement due à la forte hausse des charges de service public de l’énergie. Ce dispositif complexe oblige l’État à compenser aux énergéticiens français (principalement EDF) qui produisent des énergies renouvelables (ENR) la différence avec les prix de gros sur les marchés de l’énergie. (...)
En excluant ce dispositif qui dépend des fluctuations spéculatives sur les marchés, le budget alloué à la mission « écologie, développement et mobilités durable » est en fait en baisse de 2 milliards d’euros en 2025. Toutes ses autres composantes sont mises à l’amende : la pêche, l’aquaculture, les paysages, la biodiversité, l’eau sont des secteurs qui voient leurs soutiens publics diminuer.
Enfin, le « fonds vert », censé alimenté les investissements des collectivités locales pour l’environnement, n’est raboté « que » de 86 millions d’euros, le Parti socialiste ayant obtenu un coup de pouce de 300 millions d’euros en dernière minute, en commission mixte paritaire.
France 2030 : le mirage Macron
Il y a quelque chose de cocasse à voir Emmanuel Macron se mettre en scène lors du sommet de l’intelligence artificielle (IA) organisé à Paris en annonçant, sonnants et trébuchants, des investissements de 109 milliards d’euros dans ce secteur en France.
Car quand on s’y penche de plus près, on se rend compte que l’État français ne met pas un kopeck dans l’affaire. Tout juste un investissement de BPI France, qui promet de consacrer 2 milliards d’euros par an à l’IA pendant cinq ans. Pour le reste, Emmanuel Macron mise sur des investissements étrangers, venant des Émirats arabes unis et d’Amérique du Nord principalement. (...)
Taxer les riches : oui, mais pas trop
Il faut le dire, c’est une première depuis 2017 : l’exécutif compte rehausser le taux d’imposition des très grandes entreprises et des plus riches en 2025. Les entreprises réalisant plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires, notamment, vont voir le taux d’imposition sur leurs bénéfices exceptionnellement grimper de 25 à 30 %, et celles gagnant plus de 3 milliards, de 25 à 35 %. La mesure doit au total rapporter 8 milliards d’euros aux caisses de l’État en 2025. Horreur pour le PDG du groupe de luxe LVMH, Bernard Arnault, qui a quasiment menacé de délocaliser aux États-Unis lors de la présentation des résultats financiers – en baisse – de son groupe. (...)
Côté ménages, il est également prévu une surtaxe exceptionnelle sur les ménages gagnant plus de 500 000 euros par an pour un couple. La mesure pourrait rapporter 2 milliards d’euros en 2025 mais risque fort d’être retoquée par le Conseil constitutionnel pour des raisons techniques liées à l’adoption exceptionnellement tardive du budget 2025. Éric Lombard aimerait pour la remplacer créer un impôt sur le patrimoine avec un taux très bas (autour de 0,5 %) qui rapporterait le même montant. Mais son instauration est hautement incertaine.