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Club de Mediapart/ Lyes Louffok Militant des droits de l’enfant
Bétharram : il est temps de regarder la violence institutionnelle en face
#Betharram #Bayrou #Mediapart #enseignementprive #viols #agressionssexuelles #malatraitances #violenceinstitutionnelle
Article mis en ligne le 24 février 2025
dernière modification le 22 février 2025

Le témoignage de Françoise Gullung révèle un mécanisme propre aux institutions : quand des enfants ne sont plus perçus comme des sujets de droit, la violence institutionnelle s’installe et perdure. La société délègue la gestion de ces enfants et détourne le regard. On sait. On sait depuis des décennies. Ce qu’il manque, ce n’est pas de l’information. C’est la volonté d’arrêter de détourner le regard.

Le témoignage de Françoise Gullung, publié ce 20 février 2025 dans Mediapart, est accablant.

Il révèle un mécanisme propre aux institutions : quand des enfants ne sont plus perçus comme des sujets de droit, la violence institutionnelle s’installe et perdure. Il est urgent de la nommer et d’y répondre. Voici quelques réflexions.

Bétharram, Moussaron, Kreuzweg… Ces affaires ont révélé l’ampleur des violences subies par des enfants en institution. Et pourtant, chaque fois, on parle de “cas isolés”. Mais si ces violences se répètent partout, c’est qu’il y a un problème plus profond.

Il est temps de regarder cette réalité en face. Que produisent ces institutions ? Quels mécanismes y reviennent sans cesse, quelles que soient leur mission et leur structure ? Car une chose est certaine : ces lieux ont plus en commun qu’on ne veut bien l’admettre.

Toutes les institutions qui accueillent des enfants, qu’elles soient publiques, privées, religieuses ou associatives, produisent des violences. Pas parce que les adultes y seraient tous malveillants, mais parce que ces lieux existent pour répondre à une commande sociale.

Une institution, c’est un cadre pensé pour gérer un collectif. Sauf qu’un enfant, ce n’est pas un dossier qu’on classe ou un chiffre qu’on administre. Et plus une structure est rigide, plus elle broie ceux qui ne rentrent pas dans ses cases.

Dès qu’un enfant entre en institution, il comprend qu’il n’a plus prise sur son quotidien. Où il dort, ce qu’il mange, avec qui il partage sa chambre… Tout est décidé sans lui. Il doit s’adapter. Pas l’inverse.

Mais ces institutions ne fonctionnent pas seulement avec des règles et des règlements. Elles ont aussi un dogme. Une croyance qui structure leur manière d’agir, souvent au détriment des enfants. On ne remet pas en question le dogme. On adapte l’enfant au dogme, pas le dogme à l’enfant. C’est ainsi que des institutions finissent par défendre des principes avant de défendre des enfants.

Et quand un enfant a du mal à se conformer ? Il est perçu comme un problème. Et plus il est perçu comme un problème, plus il subit des restrictions, des sanctions, des humiliations. (...)

Et cela ne s’arrête pas aux relations adultes-enfants. Les violences entre enfants explosent dans ces lieux. Parce que dans un endroit où l’humiliation et la contrainte sont banalisées, la violence devient un mode de survie. (...)

Et quand un enfant ose dénoncer ? On lui dit qu’il exagère, qu’il doit apprendre à s’endurcir. Il comprend vite que le problème, ce n’est pas ce qu’il subit, mais le fait qu’il s’en plaigne. (...)

Alors, on se tait. Par peur, par fatigue, par habitude.

Pourquoi ces violences restent-elles invisibles ? Parce que ces institutions sont censées protéger. On suppose que tout y est mieux qu’ailleurs. On ne se demande pas si un enfant va bien. On se rassure en se disant qu’il est “pris en charge”.

La société délègue la gestion de ces enfants et détourne le regard. Tant qu’ils sont sous contrôle, tout va bien. Peu importe si la prise en charge les abîme encore plus.

Ces institutions existent parce qu’on veut une réponse aux enfants qu’on ne sait pas où mettre. (...)

Si ces lieux étaient conçus uniquement pour protéger, ces violences n’existeraient pas. Mais leur mission est aussi de contenir, de discipliner, d’organiser. C’est ce mélange des fonctions qui crée les dérives.

Alors, on fait quoi ? Déjà, il faut arrêter de voir ces institutions comme des solutions par défaut. Beaucoup d’enfants y sont placés parce qu’il n’existe rien d’autre. Trop de familles sont laissées sans soutien, jusqu’à ce que l’éloignement devienne la seule option.

Il faut un vrai contrôle extérieur. (...)

Mais ces contrôles doivent s’appuyer sur un référentiel d’inspection rigoureux, basé sur les retours d’expérience des premiers concernés. Les enfants, les anciens placés, les professionnels qui ont dénoncé doivent être écoutés.

Aujourd’hui, trop d’inspections minimisent les violences ou ne vont pas au bout. On parle de “difficultés du métier” au lieu de maltraitance. Sans un cadre clair et des sanctions réelles, ces contrôles resteront inefficaces.

Chaque enfant devrait avoir un référent extérieur et un avocat. Trop de décisions sont prises sur leur vie sans qu’ils puissent contester. Leur parole ne doit plus être une variable d’ajustement.

Il faut aussi penser aux enfants qui n’ont plus que les institutions pour s’occuper d’eux. (...)

Pour eux, il faut construire une suppléance parentale pérenne.

On ne peut pas continuer à les faire passer d’un foyer à un autre, d’une prise en charge temporaire à une autre. Ce besoin de désinstitutionnaliser est une exigence, portée par l’ONU, mais qui peine à se traduire en politiques publiques concrètes.

Enfin, les professionnels doivent être mieux formés. (...)

Ces scandales continueront tant qu’on fera semblant de ne pas comprendre. On sait. On sait depuis des décennies. Ce qu’il manque, ce n’est pas de l’information. C’est la volonté d’arrêter de détourner le regard. (...)