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Bâtiments insalubres et sans chauffage : comment une fac de banlieue « tombe en ruine »
#universités #UPEC
Article mis en ligne le 29 novembre 2023
dernière modification le 28 novembre 2023

Un campus de l’université de Créteil, en région parisienne, est en travaux pour assurer un accueil plus digne des élèves, après un hiver de cours en vision et de panne de chauffage l’an dernier. Mais cette université de banlieue doit aussi composer avec sa forte dette.

(...) Cette annexe du campus de Paris XII, héritée des années 1970, se situe entre les locaux du conseil départemental du Val-de-Marne, la station de métro Créteil-L’Échat et le centre commercial attenant. Il s’appelle « Pyramide », mais fait pâle figure à côté du très moderne campus de droit situé à dix minutes à pied. Les locaux de Pyramide sont datés, et souffrent des problèmes inhérents de vétusté : infiltration, problèmes de canalisations, de chauffage et de climatisation.

« Pyramide porte bien son nom... ce campus tombe en ruine », ironise Murat, en master de sciences de l’éducation à l’Upec. Il a créé cet automne une association d’étudiants, Collec’tri, qui veut mettre en lumière les difficultés auxquelles fait face ce campus qui accueille essentiellement des habitants de la banlieue parisienne. (...)

Fin 2022, la Cour des comptes faisait état de la dégradation matérielle de nombreuses universités françaises. L’État « doit, comme les universités, faire face à l’indispensable remise à niveau de ce patrimoine dont un tiers est dans un état peu ou pas satisfaisant et qui ne répond que rarement aux besoins de sobriété énergétique ». La Cour relevait que « 80 % du patrimoine de Paris XII, Sorbonne Paris Nord, est déclaré vétuste » et que « Paris-Saclay présente 70 % de locaux dans un état peu ou pas satisfaisant, tout comme Lyon II-Lumière à 66 % ». Paris XII, c’est l’Upec, l’université de Créteil. (...)

L’insalubrité des bâtiments de l’Upec est dénoncée depuis au moins une décennie, notamment dans les comptes rendus du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l’établissement. Elle tient aussi à une spécificité du campus de Pyramide, qui abrite les cursus des étudiants en sciences de l’éducation, sciences sociales et sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps) : l’Upec n’y est que locataire des murs. De ce fait, les travaux les plus lourds reviennent au bailleur, un investisseur.

L’hiver dernier semble avoir marqué un tournant. « Des professeurs ont fait cours en doudoune », se souvient Yasmine. Le chauffage était en panne dans tout le bâtiment, alors que ces problèmes étaient auparavant ponctuels. Il y faisait tellement froid qu’une partie des cours a dû être délocalisée. Certains enseignements ont même dû se faire en visioconférence faute de locaux en état. « Ça a été particulièrement dur pour les élèves en première année », rapporte Raphaël Renon, étudiant en master lettres, langues et sciences humaines, et coprésident de la section locale du syndicat Solidaires étudiants.

Poursuites judiciaires contre le propriétaire des locaux (...)

La mobilisation des étudiants a été telle que deux députés insoumis du Val-de-Marne, Clémence Guetté et Louis Boyard, sont venus visiter le campus et dénoncer son état de délabrement. De son côté, la direction de l’Upec a décidé d’engager des poursuites judiciaires contre le propriétaire. (...)

La direction de l’université se veut désormais confiante quant à la bonne tenue des cours cet hiver.

« Les travaux sur le chauffage sont aujourd’hui quasiment finis, ceux sur la climatisation devraient être terminés fin janvier, selon la planification du propriétaire, détaille Jean Aldhuy. Des travaux ont également été engagés sur les canalisations d’eau et d’évacuation des toilettes du bâtiment, parce qu’on avait toute une série de problèmes avec les sanitaires à différents étages. » Avec ces travaux en cours, l’Upec a renoncé à délocaliser cette année les cours sur un autre site. La piste avait été vivement rejetée par les étudiant·es, qui ont continué à se mobiliser à la rentrée de septembre 2023. (...)

Les étudiant·es ont décroché d’autres victoires mi-novembre. A été obtenue l’ouverture de salles le midi pour pouvoir manger. Auparavant, les étudiant·es ne disposaient que d’une petite pièce de 30 places assises équipée de micro-ondes. Quand toutes les tables étaient occupées, en cas de manque de temps pour se rendre au restaurant universitaire, il fallait manger dans les couloirs ou dans le hall. (...)

Si la mobilisation semble avoir payé, elle laisse tout de même un goût amer. « C’était assez simple de changer des choses toutes bêtes et qui peuvent un peu améliorer les conditions des étudiants, note Murat. Depuis le début, on remonte [les problèmes] et ils ont font la sourde oreille, et dès que l’affaire est médiatisée, ils se bougent. C’est dommage. » (...)

Ces petites victoires n’effacent pas le sentiment d’une partie des étudiants d’être laissés pour compte en raison de leur filière, les sciences sociales et sciences de l’éducation. (...)

« Tout le monde s’accorde à dire qu’il faut partir du campus Pyramide, résume Séverine Chauvel, maîtresse de conférence en sociologie à l’Upec et secrétaire de section du syndicat Snesup-FSU. La question, c’est pour aller où, et avec quel financement ? » Pour la première question, l’université assure avoir une solution : la ville de Créteil a prévu de lui céder une parcelle pas très loin de la Pyramide. Quant à la question du financement, c’est là où le bât blesse.

Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche confirme une dotation de sept millions d’euros pour le financement de futurs locaux pour l’Upec. Pour les près de 14 millions d’euros restants, l’université va solliciter un prêt. (...)

Comme beaucoup d’universités, l’université Paris XII – qui compte 40 000 étudiant·es – fait face à des problèmes financiers depuis des années. Son déficit s’élève aujourd’hui à près de dix millions d’euros. Fin septembre, la revue en ligne consacrée à l’enseignement supérieur Academia documentait « l’effondrement en cours d’une très grande université française, dans l’indifférence totale ». (...)

« La situation de l’Upec s’inscrit dans la lignée de 15 ans de politiques néolibérales : réduction des financements publics, sélection des étudiant·es, hausse des frais d’inscription et concurrence généralisée », dénoncent les syndicats. Avec des universités gagnantes, et des perdantes.