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Attaques turques contre le Rojava (MAJ régulières)
#Rojava #Turquie #alternatives
Article mis en ligne le 31 décembre 2023
dernière modification le 30 décembre 2023

La Turquie a lancé une nouvelle série d’attaques sur le Rojava dans la nuit du 23 au 24 décembre. Elles sont menées via des bombardements aériens par des avions de chasse et des drones. Comme lors des attaques du 4 au 10 octobre dernier, elles ciblent particulièrement les infrastructures civiles : stations de production de gaz, puits de pétrole, usines et sites de production économiques essentielles.

Dans cet article, nous essaierons de publier les bilans quotidiens, venant de sources d’informations sur le terrain comme Firat News ou le Rojava Information Center, ainsi que toute mise à jour qui nous parvient.

26 décembre
Le 26 décembre, l’Etat turc a continué ses frappes sur des zones déjà visées et en a attaqué 21 nouvelles. Elles ont touché ainsi des entrepôts de céréales et des silos à grain dans le district de Girkê Legê à Qamishlo et ont surtout visé de nombreux postes de contrôle des Asayish, 10 en tout dans les régions de Qamishlo, Kobanê et Amude.

Mais quand on dit que l’État turc cible des infrastructures ou des forces de défense, il est important de comprendre leur rôle et leur place dans la révolution.
Qui sont les Asayish ?
Les Asayish sont les unités de protection et de sécurité au quotidien. Ils et elles s’inscrivent dans le nouveau système de justice et de sécurité créé au cours de la révolution basé sur une justice de proximité, fédéraliste et ayant incorporé une politique de résolution non-violente des conflits et les perspectives proposées par la révolution des femmes.

Les Asayish sont des unités mixtes qui s’occupent notamment de la protection des bâtiments publics, des postes de contrôle, et agissent de concert avec les autres composantes des forces de sécurité civile. Ils et elles jouent un rôle très important aussi dans la lutte contre l’État islamique au quotidien ainsi que celle contre la drogue.

Cette lutte contre la drogue est à comprendre dans l’utilisation contre-révolutionnaire qui en est faite par l’État turc. Celle-ci est répandue et favorisée afin de briser les corps, la jeunesse, ainsi que toutes les structures de solidarité des peuples en lutte. Cette doctrine de la drogue comme outil de contre-insurrection est une arme classique des États impérialistes : utilisé notamment aux États-Unis contre les populations noires, aux Philippines, elle l’est aussi au Kurdistan du Nord (Bakur) par l’Etat turc à partir des 1990.

En 2021, le mouvement de jeunesse du HDP avait ainsi lancé une grande campagne contre la consommation de stupéfiants dans plusieurs grandes villes du Kurdistan.

Lire aussi :

 Du Rojava à tous les peuples du monde en quête de liberté

Nous sommes aujourd’hui le 25 décembre.
En ce moment même, on entend dans l’air les sons des avions de guerre.

Aujourd’hui, l’attaque turque contre l’imprimerie Simav à Qamishlo a tué Berivan et cinq autres employé-e-s. Ala El Sebawi a également perdu la vie lors de l’attaque turque d’une boulangerie publique. Berivan et Ala sont deux jeunes femmes du Rojava qui ont lutté pour se construire une autre vie. Avant la révolution, les femmes n’étaient pas autorisées à faire leurs propres choix de vie. A l’heure actuelle, nous savons que Riyad Hemo, Hisên Ehmed, Rênas Hisên, Ferhan Xelef et Ferhan Temê ont également perdu la vie et que d’autres ont été blessé-e-s.

A chaque endroit frappé par la Turquie, pour chaque personne perdue, des souvenirs durables ont été perdus : des souvenirs sur la façon de faire la révolution et de construire une nouvelle vie.

D’autres lieux ont également été visés par la Turquie : dans le centre d’Amude, c’était la coopérative populaire qui produisait des olives. Nous nous souvenons d’une femme d’Afrin qui disait : « Ici, quand je suis avec les olives, je me sens plus proche d’Afrin – et cela m’apporte de la joie ». Il est important de savoir que pour les habitant-e-s d’Afrin, l’olivier est sacré, considéré comme une source de vie. Aujourd’hui, leurs oliviers sont coupées, extraits par les mercenaires turcs. « Chaque fois qu’ils coupent un olivier, disent-ils, ils tuent l’un-e d’entre nous. Depuis le début de l’occupation d’Afrin, beaucoup de nos aîné-e-s d’Afrin meurent au moment de la récolte des olives. Nous savons que ce n’est pas une coïncidence ».

La Turquie a frappé un autre endroit aussi : le hall de Karama à Amude. Nous nous souvenons de l’époque où l’organisation des femmes, Kongra-Star, y avait tenu son congrès, célébrant la révolution des femmes. Des centaines de femmes de tous âges étaient présentes. Pour les habitant-e-s d’Amude, c’est un espace de rencontre bien connu pour des réunions publiques.

Parmi les nombreux autres lieux, la Turquie a ciblé le centre de dialyse de Qamishlo. Récemment, des discussions avaient eut lieu sur comment construire d’avantage d’alternatives pour les personnes malades de la région. Car en effet, ce centre était le seul à offrir un service public.

Même depuis le moment où nous avons commencé à rédiger cet appel, les informations sur des nouvelles attaques augmentent de façon exponentielle. Les infrastructures visées dans toutes les régions du Rojava comprennent des hôpitaux, des sites et dépôts médicaux, des sites d’approvisionnement en nourriture, des usines textiles, des stations-service et des puits, des coopératives agricoles, des bâtiments et des installations de dépôts et de moulins à grains.

En attendant, les peuples du Rojava n’ont pas cessé leurs efforts pour s’organiser selon les principes du paradigme démocratique et écologique basé sur la libération des femmes. Ils ont reconstruit leur vie sur les ruines de la guerre.

Dans une région marginalisée, opprimée par le régime d’Assad pendant des décennies et dotée d’une infrastructure très limitée, des usines ont été construites, ainsi que des ateliers et des coopératives pour produire des biens de première nécessité. Des écoles ont été construites, des académies pour que chacun-e puisse apprendre dans sa langue maternelle. Des imprimeries ont été construites afin de partager librement des analyses, des romans et des poèmes. Des hôpitaux ont été construits pour soigner les personnes malades. Des lieux de rencontre et de fête ont été construits. Pour répondre aux besoins énergétiques, des stations pétrolières ont été prises en main. Chacun de ces éléments a été construit grâce aux efforts sans relâche de personnes organisées en communes, conseils, coopératives et académies pour honorer l’espoir et affirmer une volonté de vivre. Ce sont là les résultats concrêts de l’espoir que nous pouvons construire une vie libre sans dépendre de l’État, du capitalisme et du patriarcat. (...)

Ce qui devient évident, c’est que ces attaques font partie d’une guerre systématique qui vise à détruire la vie des gens d’ici au Rojava, et finalement à détruire l’espoir qu’ils répandent. Cette nouvelle vague d’attaques vise les infrastructures crusciales et, en combinaison avec l’embargo, la survie de toutes les vies est menacée, avec des pénuries d’eau, de carburant et d’électricité. Nous devrions considérer cette stratégie comme faisant partie des plans d’occupation à long terme d’Erdogan – ce même Erdogan qui qualifie [à raison] de génocide les attaques contre les infrastructures, les écoles, les hôpitaux et les églises de Gaza [mais qui met en place les mêmes politiques].

C’est une vérité : le monde entier est aujourd’hui attaqué par les États fascistes, capitalistes et patricacaux. Nous appelons à une lutte unie contre la machinerie de guerre qui, par l’occupation, le génocide et le féminicide, tente de diviser et de conquérir. (...)

Les Asayish s’inscrivent aussi dans cette mission et sont un acquis de la révolution. C’est la raison pour laquelle l’État turc les a visé le 26 décembre, comme ils le font depuis longtemps. Les attaques du 26 décembre contre 10 postes de contrôle font ainsi écho à la campagne de bombardements turcs d’octobre dernier, avaient frappé une Académie de formation des Asayish. 29 étudiants y étaient tombés martyrs et une trentaine avaient été blessé.e.s.

Par ailleurs, l’Etat turc s’est attaqué lors des frappes des derniers jours comme lors de l’offensive d’octobre à de nombreuses infrastructures qui composent le système agricole de l’Administration autonome : silos a grain, industries agro-alimentaires, etc.

Ces attaques ont comme but direct la déstabilisation de la région. Mais il faut aussi avoir une chose importante en tête : en 2023, pour la première fois, le système productif agricole de l’Administration autonome avait réussi non seulement à atteindre l’autonomie alimentaire pour les céréales pour l’année en cours mais aussi à constituer des réserves pour les prochaines années.

Cela constitue des signes d’une réussite de la politique menée au niveau confédéral. (...)