
Considérant devoir sauver la face après l’attaque de son consulat à Damas, le 1er avril, la République islamique d’Iran a mené ses frappes sur Israël en cherchant à éviter un embrasement régional. L’événement est cependant historique et un cap a été franchi : la guerre de l’ombre pourrait devenir une guerre ouverte.
Pour Téhéran, il s’agissait de montrer à Israël qu’il n’acceptait plus de voir ses officiers supérieurs éliminés les uns après les autres sur les territoires syrien et libanais. Et tout autant de témoigner à ses alliés régionaux, las d’encaisser des coups durs sans réponse iranienne, qu’il avait la capacité de frapper son ennemi et de le faire par une opération d’envergure. Un message à destination, aussi, de la population iranienne. (...)
Il demeure qu’un cap a été franchi. Pour la première fois dans son histoire, la République islamique d’Iran, en lançant plusieurs centaines de drones et missiles, a mené une attaque directe, massive, d’État à État, contre Israël. (...)
Effrayer, tout en mesurant le risque d’escalade
Jusqu’à présent, prévalait une guerre de l’ombre qui, du côté de Téhéran, était menée essentiellement, et avec son soutien, par ses mandataires (les houthis yéménites, certaines milices chiites irakiennes…) et ses alliés régionaux – le Hezbollah libanais et, dans une moindre mesure, Damas. Désormais, le conflit sort en pleine lumière pour s’ouvrir sur un nouveau cycle, celui de la possibilité d’une guerre ouverte, en particulier si Israël s’emploie à riposter. Un haut responsable israélien a d’ores et déjà déclaré qu’il y aura une « réponse significative », selon Reuters citant une chaîne israélienne.
Après l’attaque du consulat de Damas, menée en pleine journée par des chasseurs israéliens, Téhéran avait aussitôt fait valoir que c’était le territoire iranien qui avait été touché, l’enclave bénéficiant d’une protection et d’une inviolabilité diplomatiques, et son personnel d’une immunité. Le ministre iranien des affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, n’avait d’ailleurs pas manqué, dès le lendemain, de qualifier l’attaque israélienne de « violation de toutes les obligations et conventions internationales ». (...)
Mais si l’Iran a renoncé à son concept de « patience stratégique », qui lui permettait de justifier son absence de réponse aux précédentes attaques israélienne, il ne semble pas vouloir pour autant s’engager dans une guerre déclarée avec Tel-Aviv. « L’affaire peut être considérée comme close », a fait savoir sur X la mission permanente de la République islamique d’Iran auprès des Nations unies.
« Toutefois, si le régime israélien commet une nouvelle erreur, la réponse de l’Iran sera considérablement plus sévère. Il s’agit d’un conflit entre l’Iran et le régime israélien voyou, dont les États-Unis doivent se tenir à l’écart », ajoutait le communiqué. Même menace du président iranien : « Si le régime sioniste ou ses partisans faisaient preuve d’un comportement imprudent, ils recevraient une réponse décisive et bien plus forte. »
Ces avertissements ne cachent guère la crainte de Téhéran d’être entraîné dans un conflit où il aurait tout à perdre à l’heure où il s’approche de la capacité nucléaire. (...)
l’attaque iranienne, si elle a d’abord permis à Téhéran de sauver la face, aura été une mise en scène spectaculaire, avec des drones survolant la mosquée Al-Aqsa, troisième lieu saint de l’islam, de Jérusalem, qui lui vaudra à nouveau d’être considéré au sein du monde arabe comme la seule puissance régionale capable d’affronter Israël et le seul champion de la cause palestinienne.
Pour le régime, le bénéfice de l’opération « Promesse honnête » est aussi intérieur. Elle survient quelques jours après le début d’une campagne de répression contre les femmes sans foulard, avec le retour en force des milices de « la répression du vice » dans les grandes villes, qui atteste que les autorités n’ont toujours pas accepté d’avoir perdu cette bataille et veulent reprendre la rue. On peut ainsi voir sur les réseaux des images de jeunes femmes violemment agressées et appréhendées, ce qui était devenu beaucoup plus rare depuis plusieurs mois. (...)