
Depuis l’investiture de Donald Trump, il ne se passe pas un jour sans que lui et son administration ne fassent une déclaration absurde, violente, dangereuse. Choisissez votre adjectif.
L’outrance est une arme, et Trump a écouté son mentor Steve Bannon à la lettre. Une tactique : flood the zone with shit, “inonder la zone de merde”. Raconter des mensonges et balancer des fake news chaque jour en attirant, monopolisant et en détournant l’attention. Chaque phrase est reprise par la presse du monde entier qui en fait une priorité, pendant que son administration orchestre, plus discrètement, une destruction méthodique.
Mais pendant que Trump s’occupe du sort des Etats-Unis (et d’une partie du monde), il se passe la même chose en France sans que cela ne provoque le même émoi. C’est pourtant tout aussi grave, tout aussi violent. Et mériterait bien plus d’attention, notre attention.
1/ Retirer les mentions du changement climatique
La semaine dernière, l’USDA, le ministère de l’agriculture aux Etats-Unis, a ordonné la suppression des mentions relatives au changement climatique sur tous les sites web publics. (...)
Si cela vous choque, c’est normal. Mais saviez-vous que la même chose arrive en France ? Lors des débats au Sénat sur la loi d’orientation agricole, toutes les mentions des notions de lutte contre le changement climatique ou d’agroécologie ont été scrupuleusement rejetées de l’article 1, qui fixe les priorités de la politique agricole. (...)
Si le gouvernement Macron prétend être le premier soutien aux agriculteurs, quel signal est envoyé ici en effaçant le changement climatique des textes ?
2/ Destruction des agences environnementales
Trump l’avait promis, et il le fait. Couper les budgets des agences environnementales faisait partie des objectifs, et il n’a pas perdu de temps pour mettre son programme en œuvre. (...) (...)
Imaginez la même chose en France : plus de Météo-France pour alerter des tempêtes et canicules ? Plus d’ADEME, d’Agence Bio ou d’OFB (Office français de la biodiversité) ? Et bien vous n’avez pas besoin d’imaginer longtemps.
Le gouvernement, la droite et l’extrême droite ont relayé des fausses informations sur plusieurs agences environnementales françaises. C’est très bien documenté dans un article du Monde : “depuis plusieurs mois, l’exécutif, que ce soit l’Elysée ou Matignon, a alimenté ou laissé prospérer une ambiance hostile aux opérateurs de l’Etat chargés de la protection de l’environnement et/ou de la santé.”
Finalement, la vérité importe peu. (...)
3/ Baisse du budget pour l’environnement
Si Trump considère la NOAA comme une menace pour la prospérité des Etats-Unis et coupe les budgets partout où il peut, la France n’est pas en reste. Nous alertons depuis des années sur Bon Pote sur les risques de baisse des budgets alloués à l’environnement et la baisse des effectifs.
Cela ne date pas d’hier. Dans une étude I4CE reprise par le Haut Conseil pour le Climat, les effectifs observent des baisses importantes entre 2014 et 2021, une tendance qui continue lors du 2e mandat d’Emmanuel Macron. (...)
Pourtant, avec les conséquences du changement climatique, il n’a jamais été aussi important d’avoir des effectifs et des moyens importants pour surveiller, informer et prévenir les risques associés au changement climatique.
Réduire le budget de l’OFB alors que la biodiversité est en chute libre ? Réduire les effectifs de l’ONF alors que nos forêts meurent et absorbent moitié moins de carbone sur la dernière décennie, faisant que la France ne respecte pas ses objectifs climatiques ? Les choix du gouvernement d’Emmanuel Macron. L’écologie à la française. (...)
4/ Vous avez dit biodiversité ?
Le ton a été donné dès son investiture. Si le retrait des Etats-Unis de l’Accord de Paris est un très mauvais signal pour le climat, c’est aussi un mauvais signal pour la biodiversité. (...)
De nouveau, les Etats-Unis ne sont pas les seuls à penser que la biodiversité est accessoire. La France est également passée reine de l’autosabotage. L’article 13 du projet de loi d’orientation agricole est une merveille en la matière. Avec sa présomption de “non-intentionnalité”, le texte permet de remplacer les poursuites pénales par une amende ou un stage de citoyenneté en cas d’atteinte aux espèces protégées ou à leurs habitats. (...)
On imagine tous les industriels trembler à l’idée de polluer ou de ruiner la biodiversité sur le sol français et payer une telle amende. Après les promesses non tenues sur la baisse des pesticides, la pause du plan Ecophyto… ce quinquennat sera écologique, ou ne sera pas ?
5/ La violence et les menaces sur les chercheurs et défenseurs de l’environnement
Depuis le 20 janvier, les témoignages de scientifiques américains ayant reçu des menaces ne manquent pas. Mais il se passe la même chose en France, avec une pression accrue sur les scientifiques depuis des années, et une accélération terrible depuis un an. (...)
Mêmes pressions pour les enseignantes et enseignants. A Toulon, l’enseignante Hélène Hurpy a eu le malheur de rappeler le droit au syndicat d’extrême droite la Cocarde étudiante, avant de se faire harceler et d’avoir reçu depuis la protection fonctionnelle de l’Université.
Ce n’est pas un cas esseulé. “Intimidés, menacés, traînés devant les tribunaux. Partout l’extrême droite s’en prend aux universitaires qui deviennent « militants » quand ils rappellent les faits. La liberté d’expression, c’est ok pour Musk qui défend les suprémacistes. Pas pour les scientifiques“, rappelle Magali Reghezza. (...)
Un gouvernement qui lâche ses scientifiques et les défenseurs de l’environnement tout en laissant la droite et l’extrême droite multiplier les attaques à leur encontre est le signe d’une société qui va mal. Très mal. (...)