
L’indignation suscitée par les frappes israéliennes sur un camp de réfugiés palestiniens met en relief l’inertie de l’exécutif français. De La France insoumise au Parti socialiste, en passant par Les Écologistes et les communistes, les responsables demandent d’avantage que des mots, des sanctions
Trop court, trop faible, trop tard – au regard d’une guerre qui dure depuis huit mois dans un rapport de force radicalement déséquilibré. Le message lapidaire publié sur le réseau social X par Emmanuel Macron au lendemain des frappes israéliennes qui ont fait au moins quarante victimes – la plupart des femmes et des enfants – dans un camp de réfugié·es près de Rafah, a mis une fois de plus en relief l’inertie de l’exécutif face au massacre des Palestinien·nes.
« J’appelle au plein respect du droit international et au cessez-le-feu immédiat », a écrit le président de la République, en se disant « indigné », mais sans évoquer la moindre sanction. À ce jour, le chef de l’État n’a toujours pas décrété d’embargo sur les armes livrées à Israël (le gouvernement argue que ces livraisons ne concernent que « les capacités défensives et le Dôme de fer ») et se refuse à reconnaître l’État de Palestine.
Il fait ainsi preuve d’une insoutenable légèreté au regard des images choquantes diffusées le 26 mai, montrant l’atrocité du bombardement. Ces images ont haussé d’un degré supplémentaire l’indignation collective face aux crimes de guerre commis par le gouvernement israélien de Benyamin Nétanyahou, qui ont fait au moins 36 050 morts, essentiellement des civil·es, selon le ministère de la santé du Hamas, en réponse à l’attaque terroriste du Hamas le 7 octobre. (...)
La présidente du groupe insoumis à l’Assemblée nationale, Mathilde Panot, qui a relayé les images du carnage, a ainsi réagi de ce seul mot dans la nuit : « Génocide. » « Que la honte s’abatte sur nos gouvernants qui peuvent agir mais détournent les yeux par lâcheté coupable », a-t-elle ajouté.
La passivité d’Emmanuel Macron mise en cause
Toutes et tous sont en proie au scepticisme sur un éventuel changement d’attitude de la France, mais les événements donnent néanmoins plus de force à leurs revendications. (...)
Si la pression est telle, c’est aussi qu’Emmanuel Macron dispose de leviers qu’il n’active pas. Le 28 mai, l’Espagne, l’Irlande et la Norvège vont officiellement reconnaître l’État de Palestine. Elles espéraient entraîner avec elles d’autres pays de l’Union européenne (UE) mais, pour l’instant, leur initiative est restée cantonnée. La reconnaissance de la Palestine n’est « pas un tabou », mais ce n’est pas le bon moment, a prétendu Stéphane Séjourné, chef de la diplomatie française, dans une déclaration écrite à l’AFP.
Des voix s’élèvent pourtant jusque dans le camp présidentiel pour se ranger du côté de celle-ci. L’ancien ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, dont la voix reste influente, la juge « indispensable », a-t-il déclaré au Parisien le 24 mai. (...)
Un manque de mobilisation européenne
Le fait que la Cour pénale internationale (CPI) a requis, le 20 mai, des mandats d’arrêt contre le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou et son ministre de la défense Yoav Gallant, aurait ainsi pu être davantage soutenu. « Mais la position de la France a été timorée, remarque Elsa Faucillon. C’est pourtant un point d’appui dans le droit international, pourquoi la France ne s’en saisit pas ? »
Depuis le 7 octobre, force est de constater que même le fait d’imposer le mot d’ordre du cessez-le-feu ou des corridors humanitaires à Gaza n’a été possible que grâce à la mobilisation de l’opinion publique française et internationale, après que des journalistes et des humanitaires ont été tués. Un retard à l’allumage qu’Elsa Faucillon n’attribue pas qu’à la France, mais qui ne l’épargne pas (...)
Par ailleurs, depuis le mois de février, les gauches convergent pour réclamer « un embargo sur la fourniture d’armes et de composants militaires à Israël », selon les mots de Mathilde Panot à l’Assemblée. Des ONG, dont Amnesty International, sont montées au créneau pour le réclamer, tant sur le plan judiciaire que par lettre ouverte, en vain. (...)
Elsa Faucillon, qui est restée « pétrifiée » devant les images du 26 mai, conclut : « On ne peut pas attendre des mois devant des corps calcinés, brûlés vifs, sur la décision d’un gouvernement qui donne des ordres à son armée. »