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Reporterre
« Après la victoire de Trump, continuer à ralentir le désastre »
#USA #Trump #electionpresidentielle
Article mis en ligne le 10 novembre 2024
dernière modification le 8 novembre 2024

Sans amertume, mais avec lucidité, notre chroniqueuse Corinne Morel Darleux réagit à la réélection de Donald Trump. « Car le jour où l’on cessera de voir la beauté du monde, alors il n’y aura plus aucune raison de continuer. »

(...) J’ai éteint la radio quand la Pennsylvanie a basculé. Donald Trump était élu. Pas seulement élu : avec la Chambre des représentants, le Sénat, la Cour suprême, il avait les pleins pouvoirs. (...)

Le Tea Party, l’argent des libertariens, Fox News, le remake du KKK à Charlottesville, l’assaut du Capitole, la capitulation des Républicains modérés, et un candidat formé dès l’enfance à gagner, à réussir sans pitié, entraîné à piétiner toutes les règles de la décence, avec succès. Quarante ans et le plan a fonctionné.

J’ai ouvert, hésité puis fermé mon ordinateur, pas envie de travailler, failli aller planter des bulbes de tulipe tout juste achetés, abandonné l’idée d’aller marcher dans la boue en forêt ou de rattraper le énième cours de yoga manqué, j’étais à deux doigts de me recoucher.

Finalement, j’ai lancé un feu, sorti le dernier bouquin de Mona Chollet et allumé ma quatrième clope de la journée. Tant que j’y étais, avec une bonbonne de café. Au diable le futur, le cancer et la mesure. Qui se soucie encore des règles ?

Il y a de l’honneur à mener un combat perdu d’avance

Et puis, juste avant d’éteindre mon téléphone, je reçois un texto de Gaspard d’Allens, de Reporterre, me demandant un texte intime et sensible, quelque chose sur la dignité du présent, la manière d’affronter les vents contraires, de quoi ne pas fuir illico en forêt dans sa sauvagière.

Alors j’ai changé d’avis. Rallumé mon ordinateur et fait du thé.

Parce que oui, j’ai écrit sur la dignité du présent, ce qu’il nous reste de plus sûr quand les victoires futures semblent de plus en plus hypothétiques dans un monde en train de sombrer. Dit qu’il y a toujours un dixième de degré, un hectare de biodiversité, un geste de solidarité, une vie, un sourire à sauver. Qu’il y a de l’honneur à mener un combat perdu d’avance. Et comme tout ce qu’on écrit, cela m’oblige. (...)

Et Rosa Luxemburg s’y est mise, elle aussi, qui m’a rappelé qu’il « faut travailler et faire ce que l’on peut, et pour le reste, tout prendre avec légèreté et bonne humeur. On ne se rend pas la vie meilleure en étant amer ».
Réseaux de solidarité

Bon. Légèreté et bonne humeur, honnêtement, je ne suis pas sûre de savoir faire. Mais résister à la tentation de la sauvagière, cette fois encore, je vais essayer. Sans amertume, mais avec lucidité. (...)

Car le jour où l’on cessera de voir la beauté du monde, alors il n’y aura plus aucune raison de continuer.

Alors finalement, ces tulipes, je vais aller les planter. Et après je me brancherai comme prévu pour cette visio d’activistes, en ignorant la petite voix intérieure qui me souffle que c’est vain. (...)

Pour conclure, finalement, du Romain Gary [1] quand même : « Le juste milieu. Quelque part entre s’en foutre et en crever. Entre s’enfermer à double tour et laisser entrer le monde entier. Ne pas se durcir mais ne pas se laisser détruire non plus. Très difficile. »

(...) (...) (...) (...)