
Le 14 mai, le camp en solidarité avec la Palestine de l’École de Droit d’Athènes a été attaqué par la police et 9 militant·es originaires de pays de l’Union Européenne ont été détenu·es pour expulsion vers leurs pays d’origine. Voici le récit des évènements, le lien avec la politique anti-immigration brutale du gouvernement grec, et de ce que ça nous dit des occupations d’universités et de la solidarité internationale plus généralement.
Le soir du 13 mai, les étudiant·es d’Athènes ont rejoint le mouvement mondial étudiant en solidarité avec la Palestine et ont occupé l’École de Droit d’Athènes. Ils demandaient que les universités grecques cessent toute coopération avec l’État d’Israël, que celle-ci prenne la forme de projets de recherche, d’échanges ou de programmes de financement. Le matin suivant, la police attaquait l’occupation et arrêtait 28 personnes. Un certain nombre d’objets ont été saisis dans l’Université, sans qu’aucune preuve ne relie ces éléments aux personnes arrêtées. (...)
À la suite des évènements tragiques de 1973, lorsque la junte militaire avait déployé ses tanks pour écraser la révolte de l’Université Polytechnique d’Athènes, les universités grecques avait été protégées par une loi d’asile qui empêchait la police d’y intervenir. En 2023, cette loi a été abrogée par le gouvernement conservateur actuel, générant une vague de violence policière à l’encontre des étudiant·es sur leurs propres campus. En 2024 le gouvernement ouvrait la voie à la privatisation des universités. La présence policière s’est accrue et les tactiques d’intimidation contre des espaces jusque là libres et autonomes se sont étendues au delà des murs des facs. Qu’ils soient politiques ou non, les évènements, activités et rassemblements collectifs dans les espaces publics sont ciblés par la présence policière, la répression et la violence. La politique agressive de l’État est une tentative de faire disparaître toute forme de solidarité, d’anticapitalisme, de mouvement libertaire et de lutte en faveur des migrant·es.
Les 28 personnes arrêtées à la faculté de droit d’Athènes ont été immédiatement transférées au commissariat central d’Athènes (GADA). Les avocat·es n’ont été autorisé·es à rencontrer les personnes détenues que huit heures après leur arrestation, la police tentant de les forcer à donner leurs empreintes digitales avant l’arrivée de leurs avocat·es. Pendant ce temps, des centaines de personnes solidaires se sont rassemblé·es devant GADA, exigeant la libération immédiate des personnes arrêtées tout en affirmant leur soutien à une Palestine libre. Après avoir reçu l’information qu’elles seraient inculpées, les 28 personnes arrêtées ont passé la nuit à GADA.
Le lendemain, le jugement devait se tenir à midi, mais il a été délibérément retardé de quelques heures. Des dizaines de personnes solidaires étaient présent·es devant le tribunal pour montrer leur soutien aux personnes arrêtées, criant des slogans pour une Palestine libre et la fin des tactiques d’intimidations. Finalement, les 28 personnes ont été présentées au procureur qui ordonna leur libération à tout·es et le report du procès au 28 mai pour les chefs d’accusation suivants : vandalisme, perturbation de l’ordre public, refus de coopérer avec les procédures policières (empreintes digitales) et possession d’« armes ».
Cependant, la police décida de ne pas suivre la décision du tribunal de première instance. Le département de la sécurité de l’État enregistra les neuf personnes internationa·les non grec·ques comme « indésirables » et décida de procéder à une détention administrative. (...)
Après avoir interjeté un recours, 8 des 9 personnes incarcérées seront libérées le 23 mai. À l’issue d’une grève de la faim de 14 jours, la dernière des militantes encore détenue à été libérée le 8 juin. Iels sont actuellement sous le coup d’une procédure d’appel qui devrait prendre longtemps avant d’aboutir. Cette procédure d’appel contre leur expulsion administrative devrait, à elle seule, coûter environ 1400 euros de frais juridiques pour chacune des 9 personnes concernées. Par ailleurs, pour la partie judiciaire, qui concerne l’ensemble des 28 personnes grecques et non-grecques arrêtées, le procès qui devait initialement avoir lieu le 28 mai a été reporté à mars 2025. Une cagnotte de soutien est en ligne (...)
L’Europe-forteresse et l’État d’Israël (...)
L’audace avec laquelle l’État grec agit s’explique également par des années de mise en œuvre d’une politique frontalière meurtrière à l’encontre des réfugié·es, des migrant·es et des sans-papiers. (...)
La technologie utilisée par l’État grec pour refouler violemment voire entrainer la mort de demandeur·ses d’asile repose sur les technologies de confinement, de surveillance et de contrôle que l’État israélien teste sur les Palestinien·nes de Gaza et de Cisjordanie. (...)
Les migrant·es et les sans-papiers qui exercent leur droit à la liberté d’expression en étant politiquement actif·ves courent désormais un risque accru d’expulsion et d’actions judiciaires violentes. C’est ce qu’illustre le cas de notre camarade égyptien qui, le 7 mai, peu avant l’occupation de la fac de droit, a été menacé d’expulsion par l’ambassade égyptienne après avoir participé à des manifestations pro-palestiniennes. Les gouvernements et les médias collaborent pour criminaliser et délégitimer les efforts de soutien à la lutte palestinienne, en présentant les individus comme des menaces pour la sécurité nationale. (...)
Il est nécessaire de rendre notre solidarité concrète, d’agir, d’intensifier, d’affirmer haut et fort que ni l’intimidation, ni les emprisonnements, ni les déportations n’affaiblissent la lutte. La résistance ne mourra jamais, la Palestine ne mourra jamais !
Ces tactiques d’intimidation et de répression ne peuvent pas faire taire notre rage et ne mettront pas fin à notre solidarité avec la Palestine.
Les revendications de l’Initiative Étudiante pour la Palestine d’Athènes sont :
- Pas d’expulsion pour les 9 internationaux·les arrêté·es
- L’abolition complète de la détention administrative pour les personnes sans papiers, les migrant·es, les demandeur·ses d’asile en Grèce - ainsi que la loi raciste de la déportation administrative. L’ensemble du mécanisme est une pratique raciste qui incarcère les personnes de couleur sans qu’elles aient accès aux droits humains fondamentaux.
- Nous sommes contre les médias qui collaborent avec la police et qui tentent de semer la terreur parmi les personnes qui luttent et élèvent leur voix pour une Palestine libre. (...)