
L’individu moderne vibre en principe à l’appel à la fraternité. Cependant, cette évidence de la conscience morale se brouille singulièrement dans l’action.
La fraternité résonne spontanément en nous comme un idéal enthousiasmant. Elle fait signe vers une humanité qui, s’étant délivrée de tous les égoïsmes, serait entièrement réconciliée avec elle-même et soudée par de doux sentiments. Pourtant, comme cela a été régulièrement souligné, elle est le parent pauvre de notre devise républicaine. Autant la liberté et l’égalité se laissent traduire en normes et règles concrètes qui en précisent l’objet et les modalités d’effectuation, autant la fraternité, essentiellement intransitive, semble résister aux tentatives d’en préciser les termes.
Alexandre de Vitry, enseignant-chercheur en littérature, auteur de travaux sur Charles Péguy et Alain, propose au lecteur, comme l’indique le sous-titre de son ouvrage, « une histoire de la fraternité ». Il ne prétend pas, sur ce sujet, à l’exhaustivité, mais concentre son attention sur le langage de la fraternité, que ce soit celui des discours politiques ou celui des œuvres littéraires. Il organise son propos en deux parties, la première consacrée à l’histoire conceptuelle de la fraternité, la seconde à son traitement par la littérature. (...)
Les mythes fondateurs des cités reposent régulièrement sur un fratricide. La fraternité est, par conséquent, comme le fait justement valoir de Vitry, profondément ambivalente. (...)