
Avec l’annulation de cette directive de 2015, le nouveau gouvernement du conservateur Friedrich Merz tourne définitivement la page de la politique d’accueil longtemps généreuse du pays, initiée en son temps par Angela Merkel.
"L’Allemagne doit pouvoir prendre des décisions pour réduire les chiffres de l’immigration illégale et des demandes d’asile", a martelé Alexander Dobrindt, lors d’une conférence de presse mercredi à Berlin. La politique migratoire devrait donc retrouver "clarté, cohérence et contrôle", a-t-il ajouté.
Critiques des pays voisins
"Nous ne le ferons pas sous la forme d’une surcharge de nos voisins. Nous ne procéderons pas non plus à la fermeture des frontières mais il s’agit de renforcer le contrôle des frontières et, grâce à ce renforcement, d’augmenter le nombre de refoulements", a encore déclaré le ministre.
En Allemagne, le syndicat de la police DPolG se dit prêt pour cette nouvelle politique. "La police fédérale continuera d’effectuer des contrôles mobiles, stationnaires et secrets. [...] Cependant, cette tâche ne peut pas être accomplie à long terme sans personnel supplémentaire. C’est pourquoi nous avons besoin d’environ 3 000 employés supplémentaires", a déclaré Heiko Teggatz, vice-président fédéral du DPolG, dans un communiqué.
Alexander Dobrindt a tenté de rassurer les voisins de l’Allemagne, dont certains, comme la Pologne, sont déjà très critiques des contrôles qui ralentissent considérablement la circulation des travailleurs frontaliers. (...)
Alexander Dobrindt, a ordonné mercredi 7 mai à la police de refouler tous les demandeurs d’asile sans papiers, "sauf les groupes vulnérables, comme les enfants et les femmes enceintes", à toutes ses frontières.
Le responsable politique annule ainsi une directive d’un de ses prédécesseurs, datant de 2015 sous l’ère Merkel et émise en pleine crise migratoire européenne. A cette époque, l’Allemagne avait accueilli plus d’un million de réfugiés en provenance de Syrie et d’Afghanistan principalement. L’ancien ministre de l’Intérieur, le conservateur Thomas de Maizière, avait alors demandé à la police fédérale "d’autoriser l’entrée de ressortissants de pays tiers sans documents légitimant leur séjour et sans présentation d’une demande d’asile". (...)
L’annonce de ces mesures a toutefois immédiatement fait réagir le chef du gouvernement polonais Donald Tusk. Ce dernier a prié le chancelier Friedrich Merz "de se concentrer sur les frontières extérieures de l’UE" et préserver la zone Schengen, lors d’une conférence de presse commune à Varsovie. "Il est de l’intérêt" de l’Allemagne et de la Pologne que leur frontière commune permette le "libre passage" des citoyens des deux pays, a insisté le Premier ministre polonais.
En Pologne, à l’approche de l’élection présidentielle prévue le 18 mai, un sentiment anti-allemand se développe. La désinformation anti-migrants prospère depuis des années dans le pays, terre d’accueil de très nombreux réfugiés ukrainiens et en proie à une pression migratoire. Mais "la nouveauté est qu’elle est conjuguée désormais avec le narratif anti-allemand, qui se nourrit de phobies anti-allemandes et anti-européennes", explique à l’AFP Anna Mierzynska, spécialiste indépendante des réseaux sociaux. (...)
La Suisse, de son côté, a aussi "regretté" cette décision de Berlin. "Du point de vue de la Suisse, les refoulements systématiques à la frontière constituent une violation du droit en vigueur. La Suisse regrette que l’Allemagne ait pris ces mesures sans consultation", a écrit sur le réseau social X, le ministère fédéral de la Justice et de la police.
Le ministre fédéral suisse "est convaincu que les États Schengen ne peuvent surmonter les défis de la migration qu’ensemble" et "il souligne également qu’il s’agit toujours de personnes, notamment de personnes vulnérables, de femmes et d’enfants".
Mais le ministre allemand maintient sa position ferme (...)
Dans certains sondages récents, le parti Alternative pour l’Allemagne (AfD), arrivé deuxième aux législatives, s’est hissé en tête, dépassant les conservateurs. La popularité de cette formation anti-migrants, classé la semaine dernière "extrémiste de droite" par les services du Renseignement intérieur, inquiète le nouveau gouvernement de Friedrich Merz.
Selon un rapport du Renseignement, publié mercredi dans la presse, le mouvement pratique une "agitation continue" contre les migrants, les réfugiés et les musulmans, les présentant comme un "collectif menaçant".