
Le président tunisien Kaïs Saïed a remboursé 60 millions d’euros versés par l’UE, destinés à soutenir économiquement le pays. Cet argent constitue la première tranche d’un fonds total de 127 millions d’euros, dont l’autre moitié est dévolue à la lutte contre l’immigration irrégulière.
C’est un revirement jamais vu en matière de diplomatie. Le gouvernement tunisien a renvoyé les 60 millions d’euros de fonds européens débloqués le 3 octobre pour son pays par l’Union européenne. "Le montant versé par l’Union européenne à l’insu des autorités tunisiennes dans le cadre du plan de relance post-Covid-19 a été restitué", a déclaré le président Kaïs Saïed lors d’une réunion avec le Premier ministre Ahmed Hachani et le ministre des Finances, portant sur le projet de loi finances 2024.
"Cette méthode porte atteinte à notre dignité et nous met devant le fait accompli sur lequel nous n’avons même pas été consultés", a-t-il affirmé dans un communiqué relayé par l’agence de presse tunisienne TAP News. Le dirigeant a assuré que la Tunisie était "capable de surmonter toutes les difficultés par ses propres moyens, à travers la détermination de son peuple à être indépendant dans ses choix nationaux", "avec une souveraineté et une dignité nationale intactes". (...)
Une enveloppe constituée le 14 juillet, via la signature du "partenariat stratégique" signé entre le chef de l’État tunisien et Bruxelles. Centré sur la lutte contre l’immigration irrégulière, l’accord sert aussi à soutenir le pays qui connaît de graves difficultés économiques. En contrepartie, Tunis doit empêcher les départs de bateaux de migrants, lutter contre les passeurs et assurer le retour des Tunisiens en situation irrégulière dans l’UE, ainsi que celui des migrants d’Afrique subsaharienne depuis la Tunisie vers leurs États d’origine.
Un accord de "charité"
Le 3 octobre, Kaïs Saïed avait déjà fait volte-face, en indiquant qu’il refuserait les fonds alloués par l’Union européenne à la Tunisie, qui s’apparentent, selon lui, à de la "charité". "La Tunisie qui accepte la coopération, n’accepte pas tout ce qui s’apparente à de la charité ou à la faveur, car notre pays et notre peuple ne veulent pas de la sympathie et ne l’acceptent pas quand elle est sans respect", a-t-il déclaré, selon un communiqué de la présidence.
Dans un tweet, le commissaire européen chargé de l’Élargissement et de la politique de voisinage Olivér Várhelyi rappelle pourtant, document à l’appui, que la présidence tunisienne a bien demandé le décaissement de ces 60 millions d’euros le 31 août dernier. "La mise en œuvre du mémorandum devrait se poursuivre une fois que la Tunisie aura renoué avec l’esprit de notre partenariat stratégique et global fondé sur le respect mutuel", a-t-il lancé. (...)
Le porte-parole de la Commission a toutefois indiqué que la restitution de l’argent de l’UE "ne change rien au fait que nous continuons à travailler sur les cinq piliers" de l’accord.
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