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SOS Mediterranée
À nouveau témoins des conséquences mortelles du non-respect du droit maritime
#migrants #naufrages #noyades #Libye #UE #SOSMediterranee
Article mis en ligne le 3 avril 2024

L’avion ayant repéré cette embarcation à la dérive aurait immédiatement dû la signaler au centre de coordination de la recherche et du sauvetage de l’État côtier responsable. Celui-ci aurait dû envoyer des secours sans tarder. Et la vie d’une soixantaine de femmes, d’hommes, d’enfants et de nourrissons aurait peut-être pu été épargnée. Mais voilà. Nous sommes en Méditerranée centrale, et encore une fois le droit maritime n’a pas été respecté. L’avion a probablement signalé l’embarcation aux garde-côtes libyens censés coordonner les sauvetages et alerter les navires aux alentours. Mais personne d’autre n’a jamais rien su de cet esquif qui dérivait sans eau ni nourriture. Des quelque 85 personnes parties de Zawiya en Libye une semaine plus tôt, seules 25 ont été retrouvées par nos équipes. Plusieurs membres de l’équipe racontent cet épisode dramatique.

En ce 13 mars, vers 10h15, l’Ocean Viking se dirigeait vers la position d’une autre embarcation signalée par l’avion humanitaire Sea Bird 2, à 49 milles nautiques de là, lorsqu’une minuscule tache grisâtre est apparue à l’horizon. Les canots de sauvetage sont aussitôt partis en reconnaissance. (...)

(...) Patrick, lui aussi marin-sauveteur, détaille  : «  c’était une embarcation difficile à repérer au milieu des vagues. Mais à mesure que nous nous rapprochions, une certitude nous gagnait  : elle était anormalement vide. À notre arrivée, quelques personnes ont faiblement agité les bras et sont restées silencieuses. Deux personnes inconscientes gisaient au fond du bateau. Un homme a répété trois fois « beaucoup de gens sont morts ».  »

En l’espace de 30 minutes, les équipes vont transférer les 25 personnes naufragées sur l’Ocean Viking où elles seront prises en charge par l’équipe médicale qui active aussitôt un plan d’urgence. (...)

Les deux hommes inconscients ont ensuite été transportés sur le pont de l’Ocean Viking pour être pris en charge par l’équipe médicale, qui n’a pu les réanimer et a immédiatement demandé une évacuation sanitaire d’urgence aux autorités maritimes italiennes. Il était 17h20 lorsque l’hélicoptère des garde-côtes italiens a procédé à l’évacuation vers la Sicile. Patrick apprendra plus tard que l’un des survivant n’a pas survécu. Les témoignages des rescapés confirmeront aussi les pires doutes de l’équipe  : après trois jours le moteur est tombé en panne. Sans eau ni nourriture, les naufragé.e.s ont dû se résoudre à boire de l’eau de mer. Peu à peu, une soixantaine de personnes sont mortes. (...)

«  Deux hommes étaient inconscients, beaucoup d’autres en hypothermie, presque tous extrêmement déshydratés, n’ayant bu qu’un peu d’eau de mer pour survivre. Tous étaient dans un état de grande détresse psychologique après avoir vu mourir des dizaines de personnes, dont des membres de leur famille, dans leur embarcation de fortune.  » (...)

Pendant que l’équipe médicale s’affairait à la tâche, apportant premiers soins physiques et psychologiques à ces personnes traumatisées, d’autres embarcations en péril demandaient assistance. Trois autres sauvetages seront menés dès le lendemain, portant le nombre de personnes secourues à 361 rescapé.e.s, y compris des femmes enceintes et des enfants. (...)

«  Ils dérivaient depuis une semaine, abandonnés. Abandonnés en dépit de toutes les lois qui obligent à l’assistance des personnes en danger. En dépit du droit maritime international qui oblige au sauvetage en mer. Ils sont 24 survivants à pouvoir témoigner. Et nous avec eux.  »

Au vu de ces graves manquements au droit maritime dont nous avons à nouveau été témoins, SOS MEDITERRANEE demande qu’une enquête indépendante soit diligentée sur les circonstances entourant la perte de 60 vies à bord de l’embarcation de fortune retrouvée le 13 mars dernier et sur l’absence de réponse à l’appel de détresse. (...)