
Alors que les premiers campements américains ont été évacués par la police, la mobilisation se poursuit à New York. Étudiants, enseignants, Américains d’origine palestinienne, Juifs antisionistes, militants marxistes ou queers… Ils se donnent chaque jour rendez-vous devant les campus pour réclamer la divulgation des financements des universités et l’arrêt de tout lien financier avec Israël.
(...) Les demandes sont toujours les mêmes : la transparence sur le portefeuille d’investissements de l’université, et le « désinvestissement de toutes les entreprises qui opèrent dans la Palestine occupée, profitant du génocide en cours ». De nombreuses universités américaines disposent d’un fonds de réserve (« endowment ») qu’elles investissent dans des actifs financiers. « L’un des membres du conseil d’administration de l’université, en charge de la gestion du portefeuille d’investissements, [Jeh Johnson, ancien secrétaire à la sécurité intérieure des États-Unis, ndlr] siège également au conseil d’administration de Lockheed Martin, société d’armement qui bénéficie du bombardement de civils innocents », cite Linnea. (...)
Les étudiants ont investi le bâtiment Hamilton Hall, rebaptisé « Hind’s Hall », du prénom, désormais mondialement connu, de l’une des plus de 13 000 enfants tués à Gaza, selon le rapport publié en mars par la Rapporteure spéciale des Nations Unies sur les territoires palestiniens occupés. Ils en ont été délogés par des centaines d’agents armés qui s’y sont introduit par une fenêtre.
Le mouvement pro-Palestinien réprimé
Mardi, le dernier campement qui subsistait à New York était au Fashion Institute of Technology, à quelques pas de Times Square, au sud de Manhattan. Ils sont quelques dizaines, arborant des keffiehs, drapeaux palestiniens et pin’s pastèques qui se sont répandus comme une traînée de poudre dans les rassemblements. « De la rivière à la mer, la Palestine sera libre », scandent les étudiants. Ce slogan est un appel à « la libération du peuple palestinien après 76 années d’occupation par l’État israélien », explique l’un d’entre eux. « Les États-Unis financent cette colonisation et le génocide en cours. Cela doit cesser. » (...)
Selon l’agence Associated Press, plus de 2900 personnes ont été arrêtées sur les campus américains depuis le début du mouvement, la plupart pour « violation de propriété ». De nombreux étudiants sont également suspendus et exclus de leurs universités dans tout le pays. (...)
C’est sans compter les manifestants et les journalistes interpellés, en dehors des campus. Josh Pacheco, photographe indépendant new-yorkais est l’un d’entre eux (...)
Son badge de presse accréditée par l’État de New-York autour du cou, Josh Pacheco est projeté au sol, frappé et menotté. « Ils ont violé mon droit à la liberté d’expression et j’envisage de porter plainte », annonce le journaliste. Une collecte d’informations sur les atteintes aux droits subies sur les campus américains a été lancée sur le compte Telegram du campement de Columbia. Elle sera « transmise au Rapporteur spécial des Nations Unies ».
Les enseignants rejoignent la mobilisation (...)
Tandis que les manifestations s’étendent en Europe, les étudiants new-yorkais tentent de maintenir la pression sur leurs administrations. Jeudi, ils ont été rejoints par leurs enseignants de la New School, la toute première faculté des États-Unis à entrer en lutte. Une école de prestige qui se définit comme ouverte « aux opinions dissidentes, aux idées radicales et aux solutions progressistes », et dans laquelle Shimon Peres, ancien premier ministre israélien, fut lui-même étudiant. Des tentes sont installées dans le hall d’accueil, et des manifestants tournent en continu devant l’université privée pendant des heures. « Dévoilez et cessez les investissements, nous n’arrêterons pas », clament-ils.
Sur la façade vitrée, les domaines d’enseignement progressistes de l’école, sur l’antiracisme et le décolonialisme, côtoient désormais les affiches des étudiants et professeurs contestataires. (...)
En avril, après plusieurs jours de campement, les élèves de la New School avaient découvert que « l’université, qui se targue de défendre la justice sociale, est investie dans 13 entreprises d’armement ou de surveillance qui sont complices du génocide à Gaza, ou d’autres conflits dans le monde », dénonce une étudiante, préoccupée par l’usage de ses frais de scolarité. Elle cite, entre autres : Axa, Boeing, General Electric, Chevron Corporation et Northrop Grumman Corporation. (...)
Le mouvement a reçu une couverture médiatique très mitigée, voire négative. (...)
Les activistes dénoncent « les investissements massifs » de la société américaine gestionnaire d’actifs dans des entreprises qui « arment la machine de guerre israélienne ». (...)
« Certains sionistes tentent de prendre des photos de nos étudiants pour les mettre en ligne et demander à leurs followers d’identifier leurs noms et adresses. Puis, les personnes visées reçoivent des menaces. » Devant la New School, un étudiant est arrêté après une altercation avec des pro-Israéliens, suscitant la colère de Cresa, professeure en sociologie. « Libérez mon élève noir ! », crie-t-elle aux agents de police, assise devant le camion dans lequel l’étudiant a été embarqué. (...)
Les pro-Israël tentent de se glisser entre les banderoles des pro-Palestine, ainsi que des quelques juifs orthodoxes présents sur la plupart des rassemblements. « Notre religion est instrumentalisée pour justifier des crimes », déplore Rabbi Dovid Feldman, porte-parole des « Juifs unis contre le sionisme ».
Dans les rues comme dans les campus en solidarité avec la Palestine, de nombreux manifestants affichent leur appartenance à la communauté juive. Les keffiehs et les voiles côtoient les kipas. « Ce mouvement n’est pas antisémite. En tant que juif, je ne me suis jamais senti menacé dans ces manifestations, si ce n’est par des sionistes et la police. Nous sommes contre un génocide soutenu par l’impérialisme et le capitalisme américain. Avoir l’étoile de David sur son drapeau n’absout pas l’État d’Israël des injustices qu’il commet », insiste Max, juif américain étudiant à New York. « Je suis horrifié de voir que cette occupation et ce génocide sont perpétrés au nom de la sécurité des Juifs », s’indigne Stefan, venu avec un t-shirt « Pas en notre nom ». (...)
Les militants pro-Palestine s’interrogent désormais sur la façon d’intensifier le mouvement (« escalate ») et d’employer une « diversité de tactiques ». Ils observent avec attention les mobilisations en Europe, de l’Allemagne aux Pays-Bas en passant par la France. Les activistes ont un mot d’ordre à la bouche : « L’été doit rester chaud ».