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Mediapart
À l’Assemblée, la réintroduction des néonicotinoïdes ne passe pas l’étape de la commission
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Article mis en ligne le 11 mai 2025
dernière modification le 9 mai 2025

La proposition de loi « Duplomb », qui ouvre la voie à la réautorisation des insecticides tueurs d’abeilles et remet en cause l’indépendance de l’Anses, a été vidée de sa substance les 6 et 7 mai par la commission développement durable de l’Assemblée nationale.

C’est un coup de frein inattendu pour les tenants d’une agriculture dopée aux pesticides. Mardi 6 et mercredi 7 mai à l’Assemblée nationale, en commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, la proposition de loi à l’initiative du sénateur Les Républicains (LR) Laurent Duplomb s’est vue retoquée dans ses grandes largeurs par un éventail politique allant de la gauche à la droite.

Seul le Rassemblement national a soutenu le texte sous tous ses aspects, allant jusqu’à tenter de le pousser encore un peu plus loin dans sa remise en cause des garde-fous environnementaux. La rapporteuse elle-même, la macroniste Sandrine Le Feur, a plaidé la suppression des deux articles les plus problématiques : l’article 2, qui ouvre la voie à la réintroduction des néonicotinoïdes et remet en cause l’indépendance de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) ; et l’article 5, qui facilite la construction d’infrastructures de stockage d’eau, parmi lesquelles les mégabassines.

Au total, sur huit articles qui composent cette proposition de loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur », cinq ont été rejetés, et plusieurs amendements proposés au centre et à gauche pour faire pencher le texte vers une meilleure prise en compte des enjeux sanitaires et environnementaux ont emporté le vote de la commission.

La réautorisation des néonicotinoïdes à certaines conditions était taillée sur mesure pour la molécule acétamipride, que les producteurs de noisettes souhaitent utiliser pour leurs cultures. (...)

ces insecticides dévastateurs n’ont guère trouvé de défenseurs dans la salle. Même le député LR de la Loire Antoine Vermorel-Marques, issu pourtant de la même famille politique que Laurent Duplomb, s’est exprimé contre cette réintroduction.
Un camp pas si unanime

La présidente de la commission, Sandrine Le Feur, a souligné combien ces néonicotinoïdes, qui déciment les abeilles et mettent en péril la pollinisation, mettaient les autres filières en difficulté : l’apiculture, les fruits et légumes, les céréales – notamment le sarrasin – sont touchés par des baisses de production.

C’est d’ailleurs sur ce point que la rapporteuse, par ailleurs agricultrice installée dans le Finistère, s’est montrée le plus catégorique dans le débat. (...)

Le camp macroniste n’est pas unanime cependant : « Il n’y a pas de position de groupe arrêtée, il y aura des disparités selon les territoires », confie la présidente de la commission à Mediapart.

Cette hétérogénéité se retrouve ailleurs dans le bloc central même si, pour l’heure, ses représentant·es en commission ne souhaitent pas réintroduire de substances toxiques, et encore moins toucher à l’indépendance de l’Anses qui se voit, dans la proposition de loi, obligée d’expliquer « au demandeur » les raisons d’un refus d’autorisation de son produit avant de pouvoir publier sa décision. (...)

« Depuis la mise en circulation des néonicotinoïdes, de 80 kilos de miel par an, on est passé à 5 kilos. » Yves Delaunay, vice-président de l’Union nationale de l’apiculture française (Unaf) (...)

L’article fera partie des trois adoptés, mais dans une version vidée de sa substance : un amendement déposé par l’élu du Loiret Richard Ramos (MoDem), voté contre l’avis de la rapporteuse, supprimera l’introduction d’une « voie hiérarchique » pour la transmission des PV par les agents – pour l’heure ils sont transmis directement au procureur –, ainsi que la « mise sous autorité du représentant de l’État dans le département ».

La gauche est en outre parvenue à amener avec elle une majorité sur certains amendements, comme celui, déposé par l’écologiste de l’Essonne Julie Ozenne proposant une meilleure information à destination des consommateurs et consommatrices : « Toute denrée alimentaire produite à partir de produits agricoles ayant été cultivés avec un traitement phytopharmaceutique doit être signalée par voie de marquage ou d’étiquetage ou par tout autre procédé adapté », dit la proposition.

Santé des populations, préservation de la biodiversité : la discussion en commission a montré que ces préoccupations ne peuvent plus être balayées d’un revers de main, y compris dans des formations politiques peu portées jusqu’ici sur les questions écologiques. (...)

Aura-t-il été entendu ? Pas sûr que la commission des affaires économiques, qui doit elle aussi se pencher sur le texte avant son examen en séance plénière à la fin du mois, le rejette avec le même allant que la commission du développement durable… Suite des travaux, mardi 13 mai.