
Mis en cause dans le livre « Les Rapaces » pour la gestion de sa ville, le maire Rassemblement national, proche de Jordan Bardella, continue comme si de rien n’était, à l’exemple de lundi soir au conseil municipal. Entre bétonisation et fermeture de centres sociaux.
(...) La commune doit décider, ce lundi 27 novembre au soir, si elle prend en charge les frais d’avocat de l’édile qui a porté plainte pour diffamation contre la journaliste Camille Vigogne Le Coat, autrice du livre-enquête Les Rapaces, mettant sévèrement en cause sa gestion de la ville, bien loin de la « vitrine » du Rassemblement national (RN) qu’il est censé incarner.
« Ce n’est pas à notre collectivité que l’on a imputé des faits contraires à l’honneur ou à la considération, c’est à vous et à vous seul », dénonce l’élu d’opposition Emmanuel Bonnemain, rejoint par Julien Poussin, représentant de la gauche au conseil municipal. « Je vais essayer d’être aussi précis qu’un horloger suisse », commence ce dernier, en référence au goût du maire pour les montres de luxe. « De quel droit l’argent commun devrait servir pour vous défendre ? Nos concitoyens méritent mieux que cela. »
Réélu au premier tour en 2020, David Rachline est évidemment largement majoritaire dans cette enceinte. La protection fonctionnelle lui est accordée, ainsi qu’à son adjointe au logement.
À son retour, David Rachline se permet même une plaisanterie : « Ça a été ? Ils n’ont pas été trop méchants ? », demande-t-il, avant de poursuivre l’ordre du jour comme si de rien n’était. Une partie du public quitte la salle bruyamment, en dénonçant « une pantalonnade ». Le maire d’extrême droite enchaîne quant à lui les délibérations. Il multiplie les piques adressées à ses opposant·es, coupe parfois leur micro pour déplorer leur « démagogie » ou les accuse de « contester la démocratie française », comme lorsqu’un élu rappelle le faible taux de participation lors de son élection.
Profitant d’une délibération concernant une subvention exceptionnelle attribuée à deux associations, les oppositions s’indignent du placement en liquidation judiciaire du centre social du quartier de l’Agachon, dernier établissement du genre à Fréjus, qui n’a cessé de voir ses subventions baisser ces dernières années. (...)
Kheira, qui habite le quartier depuis trente ans, a encore du mal à réaliser que cette structure, qui proposait de l’aide aux devoirs, de l’accompagnement administratif ou encore des activités culturelles, va fermer. « Je suis très triste, dit-elle. C’est vraiment dommage pour les enfants du quartier. Quand on avait des problèmes administratifs, on venait ici. On a fait des anniversaires, des mariages... C’était le cœur du quartier. On venait pour boire un café, pour rire un peu, pour être consolés parfois. » (...)
Pour Julien Poussin, seul opposant de gauche au conseil municipal, il y a ici « plus de résignation que de colère ou de surprise chez les gens ».
En cause, selon lui : la poursuite d’un système déjà défaillant. Le prédécesseur de David Rachline, l’ancien sénateur UMP (parti devenu Les Républicains – LR) Élie Brun, qui a dirigé la ville pendant plus de seize ans, a été condamné en 2014 pour prise illégale d’intérêts. Élu grâce à une campagne axée sur la « morale publique », qui promettait « la fin d’un système » et la limitation du « bétonnage massif », son successeur d’extrême droite se retrouve aujourd’hui accusé par Camille Vigogne Le Coat d’avoir « récupéré les vieux réseaux de la droite classique et son affairisme ».
Pour Emmanuel Bonnemain, avocat centriste battu aux municipales de 2020, « le RN est le verrou du développement de la ville ». Un constat que partage le Comité de défense des intérêts de Fréjus-Plage, l’une des plus vieilles associations de la commune qui lutte pied à pied avec la mairie contre la bétonisation du front de mer.
Un problème ancien dans la région, toujours d’actualité puisque les projets de chantier se multiplient à Fréjus – notamment la « promenade des Bains », qui prévoit des travaux pharaoniques entre Saint-Raphaël et Fréjus, ou encore la construction d’un hôtel haut de gamme sur la « Base nature » en bord de mer. (...)
« Marine Le Pen et le RN disent qu’il faut donner la parole aux citoyens, mais au niveau local, quand on parle on nous cloue le bec. » (...)
S’appuyant sur les révélations contenues dans Les Rapaces, Bonnemain signale dans sa plainte une série de faits qui pourraient, selon lui, constituer plusieurs infractions : trafic d’influence, favoritisme, détournement de fonds publics, fraude fiscale ou encore blanchiment. Questionné le 12 novembre par Mediapart au sujet des éléments contenus dans l’ouvrage, David Rachline avait dénoncé des « fantasmes » et de « fausses accusations », avant de porter plainte pour diffamation. La mairie va désormais régler ses frais de justice.