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À cause des voitures électriques, un peuple indonésien risque l’extermination
#nickel #mines #extraction #biodiversite #exploitation #Indonesie #autochtones
Article mis en ligne le 5 juillet 2024
dernière modification le 3 juillet 2024

La transition énergétique de l’Occident provoque une ruée vers le nickel dans les écosystèmes fragiles d’Indonésie. Parmi les principaux acteurs, une entreprise française accusée de faire disparaître un peuple autochtone.

Les batteries des véhicules électriques alimenteraient-elles un génocide dans les forêts d’Indonésie  ? L’ONG britannique Survival International, spécialisée dans les droits des peuples autochtones, sonne l’alarme à ce sujet depuis un an. Scène du crime : l’île d’Halmahera dans l’archipel des Moluques, où deux mondes sont en collision frontale.

Dans ces forêts primaires vit le peuple Hongana Manyawa dont une partie (300 à 500 individus, selon Survival) est « non contactée », c’est-à-dire qu’elle n’a aucun contact avec le reste du monde — à part quelques échanges avec les 2 500 membres sédentarisés de la tribu et des conflits avec les autres villageois. (...)

Sous ses pieds, le sol riche en nickel a attiré la société française Eramet. (...)

« Les Hongana Manyawa se considèrent partie intégrante de la forêt, et parcourent un vaste territoire afin de cueillir et chasser ce dont ils ont besoin pour vivre », explique Callum Russell, responsable de la zone Asie pour Survival. Or, l’ONG estime que 75 % de la concession d’Eramet (qui totalise 45 000 ha) chevauche ce territoire. Ce qui crée des frictions : une vidéo publiée par Survival montre deux hommes vêtus d’un pagne blanc s’approcher bâton en main des employés d’une compagnie forestière pour leur signifier leur déplaisir.

Survival International craint que la présence d’Eramet (dont l’État français est actionnaire à 27 %) prive les Hongana Manyawa des conditions nécessaires à leur survie, ou finisse par leur transmettre des maladies pour lesquelles ils n’ont pas d’immunité. Cela rendrait Eramet « au minimum coupable de travailler [à leur extermination] », ont écrit dans une lettre ouverte des universitaires experts du crime de génocides.

Expropriations et culture menacée (...)

« marginalisation » de tous les autochtones d’Halmahera. Entre expropriations et arrivées massives de travailleurs indonésiens et chinois, ils perdent leur culture et même leur langue (supplantée par l’indonésien), comme le relevait en janvier un rapport de Climate Rights International. (...)

« Le nickel est un véritable carnage environnemental » (...)

« Tel qu’il est produit actuellement, le nickel est un véritable carnage environnemental, soutient ce responsable de projets de l’association Humy. La transition énergétique de l’Occident est en train de causer un écocide majeur en Asie du Sud-Est. Et ça me met en boule que ce soit vendu comme la solution miracle sur les plateaux télé et dans les journaux. » (...)

Comme le montrent des photos aériennes, les compagnies déforestent jusqu’au littoral, même si la loi indonésienne interdit les activités minières à moins de 100 m des côtes. Pour ce faire, elles exploitent un vide juridique (...)

Pour faire tourner les usines, de nombreuses centrales à charbon doivent de plus être construites (...)

D’après le ministère de l’Énergie, la consommation de charbon du secteur industriel indonésien a quadruplé entre 2021 et 2022. En plus d’empoisonner l’air des riverains, cela induit une déforestation supplémentaire sur l’île de Bornéo, où le charbon est extrait, et d’énormes émissions de gaz à effet de serre. (...)

L’Indonésie, pion majeur du passage à l’électrique

C’est dans les sols latéritiques d’Indonésie, typiques des climats tropicaux, que l’on trouve les plus grands gisements mondiaux de nickel. Situés près de la surface, à 10 ou 15 m de profondeur, ils ne peuvent être exploités qu’en défrichant la forêt. À lui seul, l’archipel asiatique représente 55 % de la production mondiale. (...)

Lassé de voir son nickel partir se faire transformer à l’étranger, le gouvernement indonésien a décrété un embargo sur les exportations de minerai brut en 2014. Depuis, des investissements chinois, coréens ou européens ont plu sur l’Indonésie, faisant pousser à toute vitesse des mégaparcs industriels où est transformé le minerai. Le but est de fournir les grands fabricants automobiles de la planète, de Volkswagen à Tesla, et ainsi suivre les objectifs de transition énergétique de l’hémisphère nord. (...)