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À Calais, les démantèlements de campements s’accélèrent et fragilisent les migrants
#Manche #migrants #immigration #Calais
Article mis en ligne le 30 novembre 2024
dernière modification le 28 novembre 2024

L’association Human rights observers, qui recense les démantèlements de lieux de vie informels à Calais, a noté une accélération des expulsions depuis la fin de l’été. Pour les migrants, les destructions de campements se traduisent par un plus grand isolement et plus de précarité au quotidien.

Malgré la pluie, l’ambiance est calme et appliquée ce mercredi matin dans le campement du quai de Moselle, dans le centre-ville de Calais. Plusieurs dizaines de personnes vivent ici, au milieu des rochers disposés en septembre 2022 pour empêcher les migrants de s’installer. Mais, aussi impressionnant soient-ils, ils n’ont pas fait disparaître ce campement situé à deux pas de la gare de Calais ville.

Ce matin les habitants sont occupés à démonter leurs tentes, plier les bâches qui les protègent de la pluie et boucler leurs sacs. Dans une petite heure, les forces de police seront là et embarqueront le matériel qui n’aurait pas été rangé.

À Calais, cet étrange ballet a lieu toutes les 48 heures. C’est la stratégie du "zéro point de fixation", décidée par le gouvernement et appliquée par la préfecture du Pas-de-Calais depuis 2016. Trois fois par semaine, un convoi de CRS passe dans plusieurs campements de la ville et évacue les lieux de vie des quelque 1 000 migrants vivant à Calais. Les tentes et bâches qui traînent sont saisies et il arrive que des exilés soient arrêtés. Quelques heures à peine après le départ des forces de l’ordre, les habitants réinstallent leurs affaires et la vie reprend son cours, jusqu’au prochain démantèlement.

La dynamique est tellement bien réglée que certains exilés s’en amusent presque. "Les jours où la police vient, on range nos affaires, on s’éloigne et dès qu’ils sont partis on revient", raconte Issam* avec un sourire amer. (...)

Survivre grâce aux tentes et bâches

Ces démantèlements quasi quotidiens sont plus difficiles à vivre pour les migrants dont les campements sont plus isolés. Dans un petit bois de l’est de Calais, entre Marck et l’hôpital, Abdoulaziz et ses camarades ont dû reconstruire leur campement ce matin. Ici aussi, la police est venue démanteler ce qu’il restait du camp. Mais ces jeunes Soudanais avaient emporté leurs biens les plus précieux : les tentes et les bâches en plastique.

En théorie, ces démantèlements servent à nettoyer les terrains où vivent les exilés. "Quand la police prend des affaires personnelles, ces éléments devraient être mis dans un camion et accessibles dès le lendemain à la Ressourcerie pour que les gens puissent les récupérer. Mais la réalité, c’est que la police va rendre uniquement ce qui se trouve toujours dans l’état dans lequel ils ont trouvé les affaires. Or, ils ne prennent pas soin de ce qu’ils enlèvent donc souvent les choses sont abîmées et ne peuvent pas être rendues car elles ont été dégradées", déplore Laura Poignet, coordinatrice de l’association Utopia 56 à Calais. Pour les exilés, la seule solution pour sauver leur matériel est donc de l’emporter avec eux. (...)

Pour ces jeunes qui ont quitté la région du Darfour en proie à des violences depuis des des années, les démantèlements et le risque de tout perdre qui les accompagne à chaque fois sont insupportables. "Les expulsions sont une grande souffrance pour nous, surtout quand il fait froid comme ça. Nous sommes très fatigués", raconte pudiquement Abdoulaziz, 26 ans, qui vit là depuis un mois environ.

Autour du feu, tous savent qu’ils vont devoir endurer encore de nombreux démantèlements car leur séjour à Calais risque d’être long. Ces Soudanais n’ont pas de quoi se payer une place sur un "small boat" pour tenter de traverser la Manche, ils comptent sur les camions pour atteindre le Royaume-Uni. Mais les chances de réussir sont extrêmement faibles. En attendant, il faut survivre au froid et à la pluie.