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RT France
Wikileaks : dix ans de révélations qui ont mis à nu les guerres américaines
Article mis en ligne le 27 juillet 2020

Le 25 juillet 2010, Wikileaks entamait la diffusion de dizaines de milliers de câbles sur la guerre en Afghanistan. Retour sur l’histoire de l’« agence » fondée par Assange, qui risque 175 ans de prison en cas d’extradition vers les Etats-Unis.

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« Première agence de renseignement des peuples » : c’est ainsi que se définit Wikileaks. Fondée en 2006 par Julian Assange, l’organisation est spécialisée dans la diffusion à grande échelle de dizaines de milliers de documents militaires, diplomatiques ou économiques, classés confidentiels, révélant des bavures, des collusions et des échanges entre hauts dirigeants du monde, dans l’intérêt de l’information publique et afin de lutter contre les secrets des puissances. (...)

Si l’équipe de ses fondateurs est réputée avoir d’importantes compétences en informatique, c’est surtout par le biais d’informations fournies par des lanceurs d’alerte, travaillant à l’intérieur même des armées ou des administrations, que Wikileaks a marqué l’Histoire. (...)

c’est en 2010 que le monde entier découvre la force de frappe de Wikileaks. Cette année-là, un torrent de révélations sur les guerres d’Irak et d’Afghanistan envahit la presse internationale, plongeant Washington dans un embarras inédit. Le premier gros coup mémorable de Wikileaks a été la diffusion, le 5 avril 2010, de la vidéo d’une bavure de l’armée américaine à Bagdad, en 2007, ayant coûté la vie à une dizaine de civils dont deux journalistes de l’agence Reuters. Cette vidéo, intitulée « Collateral murder », réalisée depuis un hélicoptère Apache, a été obtenue par Wikileaks par le truchement du soldat américain de 22 ans Bradley Manning, devenu Chelsea après une opération de changement de sexe, arrêté puis inculpé par l’armée, dans laquelle il était analyste informatique. (...)

Après ce premier document choc, qui met aujourd’hui encore l’administration américaine dans l’embarras, il y a exactement dix ans, le 25 juillet 2010, Wikileaks opérait son second gros coup en rendant publics plus de 70 000 documents confidentiels sur la guerre d’Afghanistan, avec des révélations concernant notamment les victimes civiles et les liens supposés entre le Pakistan et les insurgés, déclenchant un scandale d’envergure internationale. (...)

Les plus sensibles de ces révélations visaient notamment le Pakistan, allié stratégique de Washington, accusé d’autoriser des membres de ses services de renseignement à traiter directement avec les Taliban, censés être leurs ennemis et ceux des Etats-Unis. Nous voulons trois choses : libérer la presse, révéler les abus et créer et sauvegarder les documents qui font l’Histoire (...)

La détermination d’Assange désarçonne Malgré l’énorme pression internationale et en particulier étasunienne qui s’abat sur lui dès 2010, Julian Assange n’a jamais cessé d’affirmer sa volonté de publier tous les documents d’intérêt public dont Wikileaks dispose. L’Australien, âgé de 39 ans en 2010, perturbe ses interlocuteurs par son calme inébranlable et sa détermination à toute épreuve. Arborant un regard concentré ne trahissant aucune émotion, l’homme s’exprime toujours sur le même ton bas : poliment et lentement, Julian Assange marque un temps de silence avant de répondre, semble peser chaque mot qu’il prononce, aboutissant à un discours limpide et parfaitement maîtrisé. (...)

Poursuivant sur sa lancée, le 23 octobre 2010, Wikileaks publie 400 000 documents concernant la guerre en Irak, dont beaucoup évoquent la torture couverte par l’armée américaine. Un mois plus tard, le 28 novembre, en collaboration avec cinq grands titres de la presse internationale, Wikileaks commence à diffuser au compte-gouttes plus de 250 000 câbles diplomatiques américains mettant à nu les dessous de la diplomatie des Etats-Unis. (...)

La publication de cette masse d’informations, Wikileaks l’a confiée à cinq grands journaux internationaux, publiant dans des langues différentes, pour un meilleur accès : The Guardian et le New York Times (anglais), El Pais (espagnol), Le Monde (français) et Der Spiegel (allemand). Après réception des documents bruts de la part de Wikileaks, les rédactions de ces journaux ont durant de nombreuses semaines vécu une effervescence inédite, revoyant totalement leur organisation et constituant des équipes dédiées au traitement, à la sélection, au recoupement et au filtrage des informations fournies par Wikileaks. L’idée était que ces cinq médias et Wikileaks publient ensuite les informations de manière coordonnée et simultanée. Selon Marcel Rosenbach, journaliste à Der Spiegel, cité par l’AFP, « tous les journaux concernés ont analysé le matériel indépendamment les uns des autres, en se concentrant sur leurs propres intérêts ». Mais ils ont également « échangé beaucoup d’informations, d’analyses et d’expertises » et se sont « mis d’accord sur un programme de publication [...] par mail, par téléphone et avec quelques réunions physiques » (...)

Dans un souci de déontologie, et en accord avec l’ensemble des journaux, le New York Times a prévenu l’administration américaine des révélations à venir. « En retour, elle nous a fait part de certains commentaires. Après, on en tient compte ou pas », précisait Rémy Ourdan, journaliste au Monde. Les journaux ont également été contactés par l’ambassade des Etats-Unis dans leurs pays. « On a eu un entretien courtois et civilisé », souligne Sylvie Kauffmann, qui précise en revanche qu’aucun journal « n’a contacté sa propre diplomatie » en amont. Concernant la protection des sources, Wikileaks avait émis des recommandations précises et mis en place une procédure rigoureuse d’anonymisation. (...)

Pourtant, en marge de ces opérations menées avec brio, l’organisation a pu connaître quelques ratés, notamment en raison de la « désinvolture », selon Assange, d’un journaliste du Guardian, David Leigh, qui a divulgué un mot de passe donnant accès à des câbles non publics, dans un livre publié par le quotidien en février 2011, et intitulé Wikileaks : Au cœur de la guerre de Julian Assange contre le secret. « Ce faisant, David Leigh et le Guardian ont violé de manière répétée les conditions de sécurité de Wikileaks, notamment notre consigne que les câbles non publiés soient mis à l’abri des services secrets en les conservant sur des ordinateurs non connectés à internet », déplorait, très mécontent, Julian Assange en 2016. La fureur de Washington Toujours est-il que le gros des publications de Wikileaks a porté un puissant coup à la réputation des Etats-Unis et à la popularité de ses gouvernants auprès des citoyens américains, rendant notamment très impopulaires les guerres au Moyen-Orient. En particulier, la révélation au grand public des archives militaires a provoqué l’ire de Washington, suscitant de nombreuses déclarations de responsables américains notoirement irrités par le travail du lanceur d’alerte. (...)

Tout au long de la décennie 2010, Wikileaks ne cessera de plonger Washington dans l’embarras, mettant à nu la politique internationale, comme nationale. (...)

A partir de juillet 2016, Wikileaks publie par ailleurs plus de 20 000 courriels ainsi que 8 000 documents du Comité national démocrate. Dans le lot, certains courriels révèlent les méthodes utilisées par certains responsables du parti démocrate afin de favoriser la candidature d’Hillary Clinton aux dépens de celle de Bernie Sanders dans la course à l’investiture pour les élections présidentielles. En septembre 2016, Wikileaks en remet une couche en révélant des lettres fracassantes du chef de campagne de Hillary Clinton, John Podesta. Parmi les déclarations les plus sensationnelles contenues dans ces échanges figurent notamment la manipulation des médias et de l’opinion publique, ainsi que des preuves que Hillary Clinton savait que Daesh était soutenu par l’Arabie saoudite et le Qatar. (...)

Russie et Syrie pas épargnées Si Washington a été particulièrement impacté par diverses révélations de Wikileaks durant la dernière décennie, celles-ci ne se sont pas focalisées uniquement sur les Etats-Unis, loin s’en faut. Elles n’ont épargné ni leurs rivaux, ni leurs adversaires. (...)

Julian Assange, martyr de la transparence ? Tandis que l’impact de Wikileaks sur la transparence des relations internationales est indéniable, Julian Assange, l’homme qui fait trembler la CIA, le traqueur d’abus des puissants, risque de passer sa vie en prison s’il est extradé vers les Etats-Unis, où il encourt 175 ans de prison. Et pourtant, aujourd’hui, les grands médias internationaux qui ont longuement et largement profité des révélations de Wikileaks ne le soutiennent que timidement contre l’extradition qu’il risque... quand ils ne lui mettent pas des bâtons dans les roues. (...)

Assange, journaliste récompensé par de nombreux prix internationaux de la profession, ne purge actuellement aucune peine de prison à proprement parler. La juge britannique en charge du dossier, Vanessa Baraitser, a refusé ses demandes de libération conditionnelle. Le rapporteur spécial de l’ONU sur la torture, ainsi que d’innombrables organisations de défense des droits de l’homme et des journalistes, exigent du gouvernement britannique la libération immédiate et sans condition de Julian Assange, érigé au rang de héros du droit des peuples à être informés.