Ce texte est une réponse à la question que j’ai relayée à plusieurs de mes proches, concernant les rumeurs de mariages forcés (suivis de viols) des jeunes filles condamnées à mort.
L’auteur de ce blog, que vous connaissez sous le nom de Sirine, m’a demandé de parler des mariages forcés dans nos prisons, avant les exécutions.
Apparemment on lui a posé des questions à ce sujet.
Je vais le faire, mais je veux d’abord expliquer que c’est extrêmement douloureux et assez terrifiant pour moi d’écrire sur les différents types de tortures que subit mon peuple, simplement parce qu’il réclame sa liberté.
Ce sujet-là en particulier, est encore plus douloureux que les autres, car non seulement il est triste, mais il est honteux pour notre civilisation. (...)
C’est quelque chose que je préférerais pouvoir passer sous silence, pour que cela soit plus facilement oublié.
Permettez-moi de le dire de cette façon : au fond de moi je serais heureux si vous ne lisez pas ma réponse.
Vous pourriez simplement arrêter de lire ici et aller relire un des précédents articles de ce blog à la place.
Mais puisque quelques lecteurs ont demandé, et puisque ce problème a été ramené du passé, j’ai pensé qu’il serait juste que j’écrive ce que je sais, ou ce que je pense, pour ceux qui veulent lire à ce sujet . Parce que la vérité est plus importante, et par respect pour les victimes, aussi, je suppose.
Bref, l’idée de base derrière cette question du mariage des condamnées a mort, c’ est que, pour une raison quelconque, la république islamique pense qu’il est contraire aux lois de l’islam d’exécuter une fille vierge. J’ai conscience de l’énormité de ce que je viens d’écrire, mais que voulez-vous, la vérité est parfois grotesque dans son horreur. Ces gens disent que "Dieu interdit l’exécution des filles vierges", et donc, si vous voulez être un bon serviteur de Dieu, vous ne pouvez tout simplement pas faire ça, peu importe à quel point la fille a été vilaine. Et bien entendu, les jeunes filles peuvent se montrer très vilaines, même si elles n’ont pas encore perdu leur virginité.
En tant que gouvernement très juste et très responsable, il est inenvisageable pour la république islamique de laisser vivre des vilaines filles. Des jeunes filles musulmanes qui se comportent mal, cela ne peut tout simplement pas être toléré.
Donc, comme vous l’avez déjà deviné, la solution est que les mauvaises filles se marient, afin qu’elles puissent avoir des relations sexuelles avec leurs maris, afin qu’elles puissent ensuite être exécutées, sans que cela ne déplaise à Dieu. Et bien sûr, il pourrait être un peu difficile de trouver des maris consentants, c’est à dire des hommes qui pourraient être intéressés à épouser une fille, juste pour qu’elle puisse être exécutée. Ceci est un vrai problème, pas une vue de l’esprit.
Ainsi, les plus fidèles et les plus désintéressés des serviteurs de la République islamique, doivent accepter de faire ce sacrifice ultime : ils doivent épouser certaines filles, et avoir des rapports sexuels avec elles, afin que ces filles puissent être soulagées du plus lourd des fardeaux : la vie.
De tels maris ont souvent été identifiés, à diverses occasions, lorsque des survivantes ont partagé leurs souvenirs. Certains de ces maris présumés occupent divers postes, dans divers secteurs du gouvernement, ou ont des entreprises dans le monde entier. Mais qui sait si on peut les croire, ces femmes là, n’est ce pas ? Après tout, qui peut bien faire confiance à une femme qui dit avoir été violée ?
Et puis bien sûr, les filles doivent donner leur consentement pour le mariage. Et donc, ce consentement devra leur être arraché, avec des pinces ou avec des marteaux. L’outil n’a pas d’importance.
Peut-être ont-elles entendu raison et ont-elles dit "oui" après avoir été laissées seules à l’isolement, à écouter le Saint Coran, via un vieux, haut-parleur pourri, toute la journée pendant plusieurs jours. La seule chose qui importe, c’est que le consentement soit donné, parce que c’est comme cela que Dieu veut que cela se passe. Oui. Le consentement doit sortir de leur bouche. C’est ce qui compte. (...)
Normalement il est illégal de procéder au mariage sans la permission d’un tuteur masculin de la mariée (en général son père). Mais dans le cas de ces mariages en prison, on fait une exception. Je suppose qu’ils doivent considerer que c’est Dieu qui donne sa permission.
Ces mariages de condamnées, c’est une coutume dont nous avons entendu parler à une époque que nous appelons "les années 60", et qui serait les "années 80" pour vous, dans le monde chrétien. Vous savez, l’époque de Michael Jackson, de Madonna et de Ronald Reagan.
Nous avons eu deux grosses vagues d’exécutions, dans les années soixante (...)
Mais, s’il est vrai que pour le moment, nous n’avons pas entendu parler de cas similaires à ceux des années 60, concernant le sort des jeunes femmes qui risquent l’exécution, je me dois de souligner que « le dieu des années 60 » n’est pas seulement un dieu qui utilise le viol comme facilitateur de l’execution de femmes. C’est un dieu qui permet le viol quotidien normal. C’est un dieu qui permet que toutes les violences se produisent en son nom : des fosses communes, des tortures extrêmes, du chantage, des choses comme ça.
Et quand je dis torture... Normalement, quand une institution recourt à la torture, c’est qu’il y a quelque chose qu’ils veulent de vous. Quand ils vous torturent, ils veulent vous soutirer des noms ou des avoeux ou même simplement un consentement au mariage. Mais là, le dieu des années soixante, il ne veut pas forcément quelque chose en particulier. En son nom, les gens du régime peuvent vous torturer simplement parce qu’ils aiment le faire. Vous êtes une prise de guerre, un trophée. Vous êtes un objet qu’ils ont gagné au combat. Vous êtes à eux et ils peuvent faire ce qu’ils veulent de vous. C’est ce pouvoir absolu, et cette notion de possession qui définissent, fondamentalement, ce qu’est ce "dieu des années soixante" .
Maintenant qu’ils ont décidé de commencer à exécuter des manifestants, nous pourrions être à nouveau confrontés à ce problème. À moins qu’ils ne décident de n’exécuter que des garçons, je suppose ? Mais je n’y crois pas trop.
Voilà, je pense que c’est pour cela que l’on reparle de ces mariages de condamnées, et que l’on invoque le spectre du dieu des années 60, un dieu qui, en son temps, a présidé aux destinées de nombreux jeunes. (...)
l’IRCG menace de nous tirer dessus, de façon plus acharnée et directe, comme face à un ennemi extérieur ou un groupe terroriste. C’est aussi leur façon d’insinuer que les charniers et les mariages pré-exécution sont aussi sur le point de faire leur come back.
Je suis désolé pour cette terrible lecture que je viens de vous infliger. Je continue d’espérer que vous n’avez pas lu jusqu’au bout. Si vous êtes toujours là, alors j’espère que vous parviendrez à voir que ce n’est pas l’islam qui est responsable de tout cela.
Je ne dis pas cela pour défendre la religion, mais parce que je crois profondément au caractère universel de l’épreuve que nous traversons.
Si vous croyez que c’est l’islam qui est responsable de la violence et de la destruction que nos subissons, alors vous risquez de ne pas voir venir les signaux d’alerte, dans votre propre environnement social et politique, et de vous réveiller quand il sera trop tard.
Ce sont des êtres humains, qui se sont arrogés des droits sur d’autres êtres humains, parce qu’ils en ont le pouvoir.
Ce n’est pas exactement une problématique locale, n’est ce pas ?
Il faut les arrêter. Mariage ou pas, c’est le moment pour tous ceux qui le peuvent de se lever et de crier "je m’y oppose !" (ou de se taire à jamais...)