
Viviane Reding est vice-présidente de la Commission européenne et commissaire chargée de la justice. En 2010, elle avait violemment dénoncé la politique de Nicolas Sarkozy en comparant à mots à peine voilés l’action de la France à l’égard des Roms avec celle de l’Allemagne de la Seconde Guerre mondiale. Un parallèle dont elle s’était défendue ensuite, tout en obligeant la France à intégrer dans sa législation la directive européenne de 2004 sur la libre circulation.
La Commission vient à nouveau de placer la France sous surveillance dans le cadre de sa politique vis-à-vis des Roms. Pourquoi ?
Viviane Reding. La Commission a constaté que de nouveaux éloignements de Roms du territoire français avaient récemment eu lieu. J’ai demandé à mes services d’analyser la situation juridique en France afin de vérifier que les règles européennes de la libre circulation étaient maintenant correctement appliquées. Nous souhaitons notamment nous assurer que toute décision d’éloignement est précédée d’un examen au cas par cas, qu’elle est écrite, suffisamment motivée, et qu’elle fait l’objet d’un recours juridictionnel. En 2011, suite à l’intervention de la Commission, la France a introduit dans sa législation les garanties prévues par la législation européenne en cas d’éloignement. Celles-ci doivent maintenant être appliquées. (...)
la stratégie française n’atteint pas l’objectif fixé d’allouer des ressources financières pour l’intégration des Roms. La France n’est pas seule sur ce point : seuls 12 États membres ont clairement identifié un financement consacré à l’intégration des Roms.
Mais je tiens maintenant à ce que l’engagement des autorités françaises à promouvoir l’intégration des Roms ait des répercussions réelles dans leur vie quotidienne. (...)
il ne faut en aucun cas que l’intégration des Roms se réduise à une anecdote estivale. Il y a 12 millions de Roms en Europe, qui, comme nous, sont chez eux. Et c’est notre responsabilité de les aider à s’intégrer. Cela requiert des efforts des deux côtés. (...)
06h00 | Mise à jour : 07h50
Par Propos recueillis par Yann Saint-Sernin 50 commentaire(s)
Viviane Reding : « Les Roms sont chez eux en Europe »
Alors que doit se tenir la réunion interministérielle sur les Roms, la commissaire européenne Viviane Reding maintient la pression
Viviane Reding appelle la France à mieux utiliser les fonds européens et à lever les mesures transitoires pour conduire une politique d’intégration des Roms.
Viviane Reding appelle la France à mieux utiliser les fonds européens et à lever les mesures transitoires pour conduire une politique d’intégration des Roms. (Photo Archives Laurent Theillet)
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Viviane Reding est vice-présidente de la Commission européenne et commissaire chargée de la justice. En 2010, elle avait violemment dénoncé la politique de Nicolas Sarkozy en comparant à mots à peine voilés l’action de la France à l’égard des Roms avec celle de l’Allemagne de la Seconde Guerre mondiale. Un parallèle dont elle s’était défendue ensuite, tout en obligeant la France à intégrer dans sa législation la directive européenne de 2004 sur la libre circulation.
La Commission vient à nouveau de placer la France sous surveillance dans le cadre de sa politique vis-à-vis des Roms. Pourquoi ?
Viviane Reding. La Commission a constaté que de nouveaux éloignements de Roms du territoire français avaient récemment eu lieu. J’ai demandé à mes services d’analyser la situation juridique en France afin de vérifier que les règles européennes de la libre circulation étaient maintenant correctement appliquées. Nous souhaitons notamment nous assurer que toute décision d’éloignement est précédée d’un examen au cas par cas, qu’elle est écrite, suffisamment motivée, et qu’elle fait l’objet d’un recours juridictionnel. En 2011, suite à l’intervention de la Commission, la France a introduit dans sa législation les garanties prévues par la législation européenne en cas d’éloignement. Celles-ci doivent maintenant être appliquées.
Je salue le fait que les autorités françaises se soient montrées prêtes à coopérer et aient affirmé qu’aucune politique ne prendra pour cible un groupe en particulier.
La France fait-elle partie des mauvais élèves en Europe concernant le traitement des Roms ?
La Commission a établi un cadre européen pour l’intégration sociale et économique des Roms et a demandé aux États membres d’élaborer ou de réviser leurs stratégies nationales.
La stratégie française énonce un projet innovant et bienvenu : plusieurs autorités locales ont aménagé des « villages d’insertion ». Selon la France, ce type de projet sera reproduit dans plusieurs localités, y compris à Lille et à Lyon. 47 000 euros de fonds régionaux européens ont été engagés. Reste maintenant à voir ces engagements se concrétiser.
Par contre, la stratégie française n’atteint pas l’objectif fixé d’allouer des ressources financières pour l’intégration des Roms. La France n’est pas seule sur ce point : seuls 12 États membres ont clairement identifié un financement consacré à l’intégration des Roms.
Mais je tiens maintenant à ce que l’engagement des autorités françaises à promouvoir l’intégration des Roms ait des répercussions réelles dans leur vie quotidienne. L’établissement des « villages d’insertion » représenterait un bon exemple, mais cela ne doit pas être retardé.
En 2010, vous vous étiez fortement opposée à l’action menée par Nicolas Sarkozy. Quelles leçons tirez-vous de ce qu’il s’est passé ?
Il y a deux ans, l’éloignement d’un grand nombre de Roms du territoire français a donné un véritable signal d’alarme pour l’Europe. La Commission est intervenue avec détermination pour s’assurer que le droit européen était respecté. Pour moi, il faut tirer trois leçons de ces événements.
Premièrement, l’éloignement d’un citoyen d’un État membre de l’Union européenne ne peut être arbitraire et doit toujours être le résultat d’un traitement au cas par cas. Le droit à la libre circulation est un droit fondamental garanti par les traités européens ainsi que la charte des droits fondamentaux de l’UE. Personne ne devrait être expulsé uniquement parce qu’il est rom.
Deuxièmement, l’intégration des Roms a une dimension européenne. Elle est autant la responsabilité du pays d’accueil que du pays d’origine. Les éloignements ressemblent peut-être à une solution facile, mais ils ne font que déplacer le problème. Ils sont inefficaces, coûteux et dépourvus d’effets durables. Tous les États membres doivent intégrer les populations roms, et peuvent se servir des fonds européens prévus à cet effet.
Dernière leçon à tirer : il ne faut en aucun cas que l’intégration des Roms se réduise à une anecdote estivale. Il y a 12 millions de Roms en Europe, qui, comme nous, sont chez eux. Et c’est notre responsabilité de les aider à s’intégrer. Cela requiert des efforts des deux côtés.
La nouvelle majorité en France ne semble pas prête à renoncer à recourir à l’aide au retour volontaire…
Le « départ volontaire » d’un citoyen n’enfreint pas le droit à la libre circulation, pourvu que ce soit réellement volontaire. Or, le fait qu’un citoyen de l’Union européenne soit payé ne suffit pas pour l’éloigner du territoire sans respecter les règles européennes sur la libre circulation. Ces règles existent pour une raison : elles protègent les citoyens européens contre des expulsions forcées et discriminatoires.
La politique d’aide au retour volontaire, quant à elle, me paraît être une politique à court terme, sans effets durables. La France devrait développer une politique visant l’intégration sociale et économique des Roms à long terme. Je compte sur les responsables politiques français pour qu’ils contribuent fortement à faire face à ce défi historique et européen.
En validant dans les traités des mesures dites transitoires pour les ressortissants bulgares et roumains, l’Europe n’a-t-elle pas elle-même ouvert la porte à des politiques discriminatoires envers les Roms ?
La Commission s’est prononcée à maintes reprises en faveur de la levée des mesures transitoires qui limitent l’accès des Roumains et des Bulgares au marché du travail. Ces restrictions transitoires, appliquées par huit pays de l’Union européenne, dont la France jusqu’à fin 2013, sont un véritable frein à l’insertion de ces citoyens européens. De plus, ces restrictions n’ont que peu de sens du point de vue économique - on n’a jamais vu d’afflux massif de personnes dans les pays qui ont levé ces restrictions. (...)