
es 3 et 4 juin 2016, le département Formation en Situation Professionnelle de l’Institut de Psychologie de l’Université Lumière-Lyon organisait un colloque visant à éclairer de la lumière de la psychologie le statut de la pensée dans le régime démocratique. Si celui-ci postule aussi bien une égalité de la parole que l’exercice du débat, il implique également la formation de groupes et de partis, dont les clivages traversent chaque individu parlant et pensant. En ce sens, il façonne la subjectivité de chacun des individus qui y participent ; au point que chaque attaque qu’il subit est, aussi, une remise en cause du travail de ceux qui s’attachent au quotidien à renforcer la pensée et l’ordre symbolique du monde - à commencer par les psychologues.
Euthanasier n’est pas penser
Plusieurs interventions ont présenté ce colloque , qui donnera prochainement lieu à des actes, en déclinant divers aspects d’une pensée qui, dans notre société, demeure empêchée malgré la démocratie. Parmi ces interventions, celle de Patricia Mercader donnait le frappant exemple de la jeune néerlandaise qui obtint l’euthanasie pour souffrance psychique alors même qu’elle avait bénéficié d’une psychothérapie intensive pendant deux ans… Ne représente-t-elle pas, laissait entendre Mercader, tous ceux sur qui l’on s’est acharné, et qui un jour, finissent par céder ? Mais « céder n’est pas consentir », rappelait-t-elle...
Ce cas d’euthanasie semble illustrer une impossibilité de penser qui, envahissante, prend place à tous les étages : celui du psychothérapeute et de la jeune femme, du législateur qui permet l’euthanasie, de l’entourage… pour aboutir à la nôtre : comment penser ce qu’il aurait fallu faire pour que cela n’arrive pas ?
Penser en « conflictualisant » ?
Le terme de « conflictualité » sera répété à plusieurs reprises lors du colloque. Il transmet l’idée selon laquelle la divergence de pensée, d’être, de faire, doit avoir droit de cité ; être en quelque sorte métabolisée pour que notre culture puisse avancer sur un chemin qui ne soit pas celui de l’auto-destruction. L’idée selon laquelle le conflit doit être possible résonne avec la notion d’une « biodiversité » qu’il ne faut pas restreindre aux différentes espèces animales et végétales, mais élargir aux êtres humains, à leurs diverses caractéristiques physiques, à leurs idées, aux « formes de vie » qui sont les leurs. Nous pensons également à la « neurodiversité » revendiquée par les autistes dits « de haut niveau ». En tous cas, dans notre démocratie, il doit s’agir d’autre chose que de « « dé-penser » pour honorer le divin marché », selon l’heureuse formule de Mercader. Accepter la différence, conflictualiser pour ne pas détruire, telle devrait être la voie à suivre pour sortir de la sidération engendrée par le spectacle des horreurs dont nous abreuvent les médias. La « sidération ne vaut rien à la pensée », note-t-elle, rejetant sans appel la « frérocité » qui tend à envahir le socius.
Même la tant plébiscitée « liberté d’entreprendre » n’en finit pas d’éliminer les personnalités non conformes… (...)