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Vie et mort de Lumumba : l’anticolonialisme assassiné
Article mis en ligne le 19 janvier 2018

Le Congo n’est déjà plus le nom d’un pays, mais celui d’une crise internationale. Des pays occidentaux réfléchissent à « l’élimination » du Premier ministre Patrice Lumumba – y compris la France, montrent des documents français récemment déclassifiés.

A Léopoldville, le Premier ministre du Congo vit cloîtré. Privé de téléphone, il est assigné à résidence. Un premier cercle de casques bleus ghanéens le protège ; un second cercle de soldats congolais le surveille. Le 27 novembre 1960, ce « prisonnier » se fait la belle : personne n’inspecte la Chevrolet dans laquelle ont pris place les domestiques à la fin de leur service.

Lumumba quitte la capitale. Direction : Stanleyville (Kisangani), son fief politique. Il espère y retrouver des troupes et des nationalistes qui lui sont restés fidèles.

Cette chasse à l’homme fera l’objet d’une cascade de courts télégrammes « très urgents » et « confidentiels ». L’ambassade de France cherche à tenir le Quai d’Orsay informé des tout derniers développements.

Un de ces télex, daté du 2 décembre 1960, rapporte que Lumumba a été arrêté par les soldats du colonel Mobutu à Port-Francqui (aujourd’hui Ilebo) sur la rivière Kasaï. Des casques bleus ghanéens cernent la maison où il est enfermé mais se retirent lorsqu’ils en reçoivent l’ordre.

« Transporté par avion à Léopoldville, monsieur Lumumba a été transféré dès son arrivée au camp de para-commandos du colonel Mobutu, signale l’ambassadeur Pierre-Albert Charpentier. Il a ensuite été conduit au cours de la nuit, sous escorte militaire, à Thysville où il a été incarcéré. »

L’élimination de M. Lumumba est un objectif « désirable en soi ».

Au camp Hardy, non loin de Thysville, ville de garnison qui s’appelle aujourd’hui Mbanza-Ngungu, c’est le début de la fin. Lumumba sera battu par des soldats. Ces mauvais traitements, de plus en plus cruels, culmineront par son assassinat, le 17 janvier 1961.

Avant même son « évasion », beaucoup de diplomates occidentaux pensaient que la présence de Lumumba à « Léo » était un obstacle au règlement de la crise congolaise.

C’est le point de vue de Jean Sauvagnargues, un diplomate qui deviendra ministre des Affaires étrangères sous Valéry Giscard d’Estaing. « L’élimination de M. Lumumba, écrit-il, le 3 octobre 1960, est un objectif « désirable en soi ». Élimination politique ou physique ? Sur ce point, le texte de Sauvagnargues n’est pas clair. Il ajoute cependant qu’il serait « sage que les puissances occidentales adoptent une attitude d’extrême réserve ».

Ce n’est pas le point de vue de la Belgique. Deux jours plus tard, le ministre belge des Affaires africaines, le comte Harold d’Aspremont Lynden, évoquera l’« élimination définitive » de Lumumba dans une lettre que cite le sociologue Ludo De Witte dans son « Assassinat de Lumumba » (Karthala). Ce même ministre insistera, après l’arrestation de Lumumba, pour que le prisonnier soit transféré au Katanga, où il sera fusillé.

L’arrestation du Premier ministre provoque de violentes réactions dans l’est du Congo, d’où Lumumba est originaire. Les troupes qui s’y sont soulevées, prévient le colonel Mobutu, alors chef d’état-major de l’armée, lors d’un entretien avec l’attaché militaire français, ont l’intention d’atteindre Léopoldville « en exécution d’un plan minutieusement préparé ».

L’arrestation d’un élu, qui bénéficie de l’immunité parlementaire, soulèvera l’indignation à l’étranger. Surtout après que les photos où l’on voit des soldats battre leur prisonnier sous l’œil de Mobutu commencent à circuler. (...)