Il ne se passe pas un seul jour sans que des actrices et acteurs des luttes sociales ne soient confronté·es à la répression. C’est la politiste et maîtresse de conférences à l’université Paris VIII, Vanessa Codaccioni, qui l’affirme. Dans son nouvel ouvrage Répression. L’Etat face aux contestations politiques, elle détaille les mécanismes de la criminalisation des mouvements sociaux par l’État.
À notre micro, elle identifie les tactiques et les techniques mises en place par le pouvoir politique face aux mobilisations. La politiste décortique ces principaux dispositifs et éclaire l’une de leurs logiques majeures : la sémantique. Le vocable mis en œuvre par la communication gouvernementale pour qualifier les manifestants – de « vandales » à « foule haineuse » – vise à vider leurs actions de leur substance. Assimilé au terrorisme ou à la criminalité de droit commun, l’activisme se retrouve dépolitisé. Le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner déclarait ainsi devant le Sénat, le 19 mars 2019 : « Ceux qui ont manifesté samedi et qui ont cassé n’ont aucune revendication, si ce n’est celle de faire tomber la République. »
Dans le même temps, cette croisade langagière vise à remettre en cause la rationalité des militant.es. Le « casseur » est décrit dans le langage étatique comme animé uniquement par la haine et la volonté de détruire, brûler, tuer, dépassant largement les frontières de la raison. Mais attention, prévient Vanessa Codaccioni, même le plus grotesque, le plus absurdement nihiliste de ces individus ne saurait être considéré comme fou. Car aux yeux de la justice française, le fou est celui qui n’est pas responsable de ses actes. Or c’est à l’exact opposé qu’appelle les responsables politiques, exigeant de fermes condamnations par la justice des activistes. Irrationnel mais pas fou : une psychologisation des manifestant.es qui efface la dimension éminemment politique de leurs actes. (...)
Dans l’histoire les gouvernements vont prendre des mesures contre une cible consensuellement dénoncé et très rapidement, bizarrement, ça va s’appliquer à des activistes. » Une législation à usage répressif appliquée sous couvert de lutte contre le terrorisme.
Au-delà des activistes, les journalistes constituent des cibles privilégiées, en tant que témoins des mobilisations. « Ils sont blessées, arrêtés, inculpés, fichés… c’est à dire comme tout militant pris dans la mécanique répressive ». Mais l’auteure va plus loin dans l’explication du ciblage des reporters : leur travail gêne. « Parce qu’ils visibilisent la répression, ils montrent la violence de l’Etat » indique-t-elle, faisant écho à l’arrestation du reporter Gaspard Glanz lors de l’acte XXIII des Gilets Jaunes à Paris le samedi 20 avril.
Comment s’organise la répression ? Réponse en quarante minutes d’échanges vifs et passionnants. Un entretien qui permet de mieux comprendre les mécanismes d’action de la police, de la justice et du pouvoir confrontés aux mobilisations sociales.