
Alors que la Ministre de la santé a annoncé vouloir rendre obligatoire huit vaccins supplémentaires, le débat sur les bénéfices et les risques de la vaccination refait surface. Jeudi 21 septembre, le journal Le Parisien révélait un rapport sur l’aluminium vaccinal. Effets secondaires, bénéfices collectifs, influence des laboratoires pharmaceutiques : dans un récent ouvrage, Immunisés ?, un nouveau regard sur les vaccins , la journaliste scientifique Lise Barnéoud s’est attelé à démêler le vrai du faux, examinant les faits, vaccin par vaccin. « L’histoire de la vaccination nous pose mille questions. Elle nous interroge sur le présent, le passé, le futur, l’ici et l’ailleurs. » Interview.
Lise Barnéoud [1] : Sur le fond, le statut quo des trois vaccins obligatoires (diphtérie, tétanos, polio) n’était plus tenable pour plusieurs raisons. La première est juridique : elle faisait suite à la décision du Conseil d’État. L’État français était obligé de se positionner sur le retour du DTP pur, qui n’est aujourd’hui plus produit par les laboratoires [Le DTP est désormais associé à d’autres vaccins, ne laissant donc pas le choix aux vaccinés, ndlr]. La seconde raison est épidémiologique : ces trois vaccins ne sont pas ceux qui évitent le plus de décès et le plus de séquelles, car le risque de croiser un jour ces pathogènes est très faible. Les enjeux en terme de santé publique ne sont pas les plus importants.
Face à cette situation, la Ministre a choisi d’élargir l’obligation vaccinale à huit autres vaccins qui sont déjà très fréquemment réalisés chez le nourrisson. Pour plus de 85 % de la population, cela ne va pas changer grand-chose. Il existait une autre option, celle de supprimer toute obligation vaccinale comme dans la plupart des pays européens similaires au nôtre, notamment au nord de l’Europe.
Sur la forme, je trouve que les autorités françaises se trompent. Oui, la non-vaccination engendre des décès et des séquelles évitables. Mais nous ne sommes pas dans une situation d’urgence sanitaire : même si nous n’atteignons pas 95% de personnes vaccinées contre la rougeole (seuil à partir duquel on considère que le microbe ne circule quasi plus parmi la population), nous n’allons pas avoir 100 morts supplémentaires. Si l’objectif est de renouer avec la confiance, la méthode employée de la coercition crée de la défiance. On alimente ainsi les théories du complot. Et puis ce serait vraiment dommage que ces obligations soient un alibi pour faire l’impasse sur la pédagogie.(...)
Certains vaccins sont parfois accusés de provoquer plusieurs effets indésirables. Quel bilan tirez-vous de vos recherches sur cette question ?
On peut d’abord tirer des conclusions globales : la première est qu’un très faible pourcentage de la population est concerné par ces effets indésirables. La deuxième est que les personnes touchées par ces effets indésirables ont très souvent des prédispositions. L’enjeu est de les détecter, grâce à un véritable travail de recherche. Enfin, les chercheurs qui travaillent sur ces questions ont de grandes difficultés pour mener leurs études, discuter posément avec leurs collègues sans qu’on les traite d’anti-vaccins. Ce n’est pas parce qu’on se pose des questions sur l’aluminium qu’on est anti-vaccins ! C’est la base de la science de douter, chercher, comprendre.
Certains vaccins ont des inconvénients qui préoccupent plus. Mais ces effets indésirables sont de l’ordre de 1/300 000, ce qui reste très faible ! Parmi les vaccins qui posent le plus de questions, il y a celui contre le papillomavirus humain, un virus qui peut provoquer le cancer du col de l’utérus. Contre cette maladie, il y a un autre mode de prévention qui existe, le frottis. Cette méthode est très efficace, probablement plus que le vaccin, qui ne couvre pas toutes les souches du virus… L’inconvénient du frottis est qu’il intervient après les premiers dégâts. En France, les autorités ont privilégié la voie de la vaccination en délaissant la prévention par frottis. Pour moi, c’est une solution de facilité : une piqûre est plus facile à faire que dix messages de santé publique, ou que d’aller chez les gynécos tous les trois ans, faire un frottis… A l’inverse, contre la diphtérie, le tétanos ou la polio, il n’y a pas d’autres moyens de prévention. (...)
Vous avez rencontré de nombreux experts et professeurs de médecine pendant votre travail sur ce sujet, et beaucoup vous ont recommandé de « ne pas brouiller le message », « de rester simple pour être efficace ». Qu’est-ce que cela révèle sur leur façon de penser ?
Ils sont sur un mode d’une bienveillance paternaliste, mais aussi dans l’héritage d’une très forte école pasteurienne qui fait que le moindre questionnement leur donne l’impression que l’on donne un coup de couteau dans leur maître Pasteur. Cette posture est très triste scientifiquement parlant, et en partie responsable de la défiance actuelle. Lorsque les messages sont autant simplifiés, ils sont nécessairement partiellement erronés. Les parents que j’ai rencontrés ont l’impression qu’on leur ment. La théorie du complot prend des proportions incroyables. Quand certains experts répètent que l’aluminium ne pose aucun souci, les gens se disent : vous nous prenez pour des imbéciles, des professeurs qui n’ont pas l’air malhonnêtes disent l’inverse. Alors où est la vérité ? (...)
Le vaccin contre la grippe est un vrai sujet éthique. Il est destiné à protéger les personnes âgées qui sont les plus sensibles à ce virus. C’est chez eux que l’hécatombe se produit chaque hiver. Le problème est que ce vaccin n’est pas efficace chez les personnes âgées, comme tous les vaccins, car leur système immunitaire ne répond plus beaucoup aux attaques extérieures. Certaines années, l’efficacité n’est pas supérieure à 30 %. (...)
Vous appelez à imposer une véritable transparence sur les conflits d’intérêt des experts chargés de prendre des décisions sur les vaccins. Pourquoi ?
Il a été démontré qu’il y a de grands problèmes de promiscuité, de liens d’intérêts et de conflits d’intérêt entre experts, décisionnaires et laboratoires. Cela a notamment été le cas pour l’épisode H1N1 en 2009. Un site répertorie les liens d’intérêt, mais ce n’est pas suffisant. Ce système où l’on annonce une conférence, un repas, un déplacement payé par des laboratoires, c’est de la poudre aux yeux. Ce n’est pas ça le vrai lien d’intérêt. Ce n’est pas parce qu’on mange une fois avec Sanofi qu’on est vendu. Il y a d’autres choses qui se jouent. Le fait que la plupart des experts sont des pasteuriens dans l’âme, ont des liens par rapport à leurs recherches scientifiques avec les laboratoires, participent au direction des compagnies, ont un conjoint responsable chez Sanofi… C’est très compliqué, et l’État devrait être plus vigilant par rapport à cela !