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Basta !
Une usine de recyclage de déchets accusée d’avoir intoxiqué plusieurs de ses salariés
Article mis en ligne le 21 mars 2015
dernière modification le 17 mars 2015

Une PME qui créée des emplois locaux tout en contribuant à préserver l’environnement. Une belle opportunité pour l’économie de Montluçon, en Auvergne... jusqu’à ce que plusieurs salariés se plaignent de maux de tête, de saignements de nez, de troubles digestifs, d’irritation de la peau. Et filment l’atelier dans lequel ils travaillent.

Poussières chargées de métaux lourds, protections insuffisantes, taux élevé de plomb dans le sang : salariés et syndicalistes dénoncent un « scandale sanitaire ». Depuis, les conditions de travail semblent s’améliorer, mais plusieurs salariés cherchent à faire reconnaître le préjudice subi. Dans l’indifférence des pouvoirs publics, pour qui toute création d’emploi, même toxique, est sacrée. (...)

Une « entreprise citoyenne » qui emploie 177 salariés, principalement des travailleurs handicapés et des personnes en insertion. Sur le nouvel « éco-pôle » de Montluçon, ses bâtiments « haute qualité environnementale » contrastent avec les cheminées et les briques de l’usine historique Dunlop. L’entreprise affiche une « démarche de responsabilité sociétale et environnementale inscrite dans son ADN ». Une PME écolo, pionnière du recyclage, et qui créée des emplois : l’affiche est presque trop belle. « C’est Germinal derrière une communication vertueuse », s’indigne Laurent Indrusiak, secrétaire départemental de la CGT. (...)

Les cadences sont jugées infernales : « Il fallait charger plusieurs tonnes de frigo et de congélo en 20 minutes. Leurs moteurs explosaient et du gaz fréon ou de l’ammoniaque s’en échappaient ». C’est en passant en juillet 2012 dans l’atelier Andela qu’il découvre « la catastrophe ». C’est là que sont amenés puis broyés les tubes cathodiques des téléviseurs. Voici comment l’entreprise présente sa « ligne de traitement par broyage unique en Europe », censé garantir « un niveau de protection maximal des collaborateurs et de l’environnement ». (...)

Ce que filment et décrivent des salariés en février 2013 n’a pas grand chose à voir avec cette jolie présentation. Au sein de l’atelier Andela, l’atmosphère est irrespirable. Les tapis de tri sont enveloppés d’un brouillard gris cendré, saturée de poussière de verre qui forme une couche épaisse au sol. De la poudre luminescente issue des écrans vole en suspension.

Munis de masque à ventilation rafistolé avec du scotch ou en carton, de gants anti-coupures et de simple combinaison, les ouvriers alimentent la chaîne de recyclage. Le verre des écrans se brise. La chaleur est suffocante, le bruit assourdissant, la visibilité réduite. (...)

Romain commence à souffrir d’insomnies, de vertiges, de rougeurs et des saignements de nez. En se rendant chez son médecin traitant, il comprend qu’il n’est pas le seul. Maux de tête, saignements, troubles digestifs, irritation de la peau, fatigue excessive : la généraliste s’inquiète des symptômes troublants chez plusieurs de ses patients. Elle alerte élus et services de l’État. En vain. Un jour d’été 2012, elle se tourne alors vers la CGT qui écoute plus d’une vingtaine de salariés. Depuis février 2013, le syndicat tire la sonnette d’alarme sur un « scandale sanitaire » (...)

L’entreprise investit un demi-million d’euros pour moderniser son atelier. Une aspiration de poussières avec filtre à air est installée. Les combinaisons et les masques portés sont changés. Aujourd’hui les conditions semblent s’être améliorées. On découvre sur des vidéos datant de mars 2014 des ouvriers au sein d’un atelier nettoyé et moins empoussiéré. (...)

Pour la sociologue en santé publique Anne-Thébaud Mony, spécialiste des conditions de travail et de l’exposition des salariés aux produits toxiques, ces améliorations ne suffisent pas. Cette filière « à très haut risque » nécessite une meilleure évaluation des risques et un suivi médical de celles et ceux qui y travaillent. Une plombémie en début de contrat, comme mesure-témoin serait la bienvenue. Par ailleurs, le verre cassé reste tranchant comme du rasoir. « Je n’ai jamais vu les pompiers intervenir autant dans une entreprise », confie un recycleur. De quoi nuancer l’optimisme patronal. (...)