Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Paris s’éveille
Une pétition de notables françafricains dénonce l’inaction de l’ONU au Kivu… « Au Kivu, on viole et massacre dans le silence »
Article mis en ligne le 29 décembre 2012

Grande mobilisation de personnes distinguées, de Jacques Chirac à Abdou Diouf en passant par Valérie Trierwieler, qui signent une tribune dans Le Monde [voir ci-dessous] pour dénoncer le scandale des viols du Kivu. On devrait se féliciter d’un tel effort de sensibilisation sur un sujet si dramatique. Mais pourquoi y a-t-il là un scandale si particulier ? Pour une raison que nos signataires oublient de souligner : cela fait dix-huit ans que le viol est utilisé comme arme de guerre au Kivu, depuis qu’en juillet 1994 l’armée française y a facilité le repli des troupes génocidaires rwandaises qui, ayant achevé le génocide, fuyaient l’avancée du FPR que l’opération Turquoise consistait à bloquer. Dix-huit ans de cauchemar continu.

Or, ce n’est que depuis le mois d’avril 2012 qu’existe ce mouvement du 23 mars, dit M23, que les pétitionnaires désignent comme responsable « des viols de femmes et d’enfants » : « Ils violent par centaines de milliers les femmes et les enfants pour terroriser la population »… (...)

cette pétition si bien intentionnée dénonce nommément les responsables en commettant juste une petite erreur de désignation des criminels. Ceux qui sèment la terreur dans la région depuis dix-huit ans ce sont ces interahamwe, autrement nommés FDLR. Ce sont aussi eux, présents depuis dix-huit ans, qui contrôlent l’essentiel des mines – et non le récent M23.

Est dénoncée là, à juste titre par contre, l’inaction des nombreuses troupes que l’ONU finance pour rien, sinon pour couvrir les FDLR, en fait, prenant grand soin de ne jamais les dénoncer pour être sûr de ne pas avoir à les affronter. Il y a là en effet un scandale à l’intérieur du scandale : dix-sept mille hommes mandatés par la communauté internationale sont là pour la décoration, comme pour démontrer le haut niveau de complicité dont bénéficient les violeurs du Kivu.

Dès le départ, l’opération Turquoise, bien qu’intégralement française, était bien entreprise à la demande et sous le couvert de l’ONU. Et c’est bien protégés et encadrés par l’armée française que les troupes génocidaires ont pu se replier au Kivu. Juste après, comme les génocidaires avaient entraîné avec eux des millions de paysans (deux ou trois), c’est encore l’ONU qui les financera en leur accordant le statut de réfugiés. Cela représentait un pactole de quelques dollars par jour multipliés par le nombre de personnes déclarées présentes dans les camps contrôlés dès le départ par les interahamwe. L’argent du HCR ira ainsi directement dans les caisses des génocidaires…

Simultanément, la terreur s’est abattue sur la région, et le calvaire des femmes a commencé (...)

En fait, tout le monde le comprend, il n’y aura pas de véritable solution au Congo tant que l’Etat y sera un tel facteur de désordre. Pour un début de mise en ordre il faudrait probablement construire un véritable Etat fédéral, éventuellement « plurinational » comme en Bolivie ; avec une loi des ressources qui confie l’exploitation des mines à des coopératives régionales, par exemple, et garantisse la réutilisation des richesses pour le financement de la santé et de l’éducation  ; de tels objectifs n’étant atteignables qu’en procédant du même pas à l’indispensable démilitarisation générale du pays – vaste programme auquel l’ONU pourrait certes aider, garantissant de plus sa sécurité.

Si cet idéal est un objectif à atteindre, il ne doit pas faire oublier la nature effectivement plus simple du problème spécifique posé par ces criminels professionnels que sont les FDLR – à mettre hors d’état de nuire sans attendre.
(...)

Si les casques bleus ne sont plus obligés de se laisser trucider, comme c’est arrivé à dix soldats belges à Kigali en 1994, ils n’en sont pas moins réduits à laisser les criminels agir, exactement comme en Bosnie et au Rwanda à l’époque – il n’y a pas si longtemps. C’est en fait la même comédie qui continue. (...)

Il y a une certaine indécence à ce que de tels signataires, dont bon nombre occupent les premières places dans la hiérarchie mondiale du pouvoir, se plaignent de ce que fait l’ONU, un organisme qui fait ce qu’on lui demande de faire – alors même que ce sont eux qui sont en position de demander et qui l’ont été depuis dix-huit ans. (...)

Ce n’est pas vraiment par hasard si depuis dix-huit ans les interahamwe sont protégés au Kivu. Ils l’étaient avant, dès leur origine, en bénéficiant non seulement des subsides et d’équipement, mais y compris d’encadrement, et d’une formation directement fournie par… l’armée française. Lorsqu’ils ont achevé leur génocide et perdu la guerre, ils sont alors passés au Congo… sous protection française. Leurs cadres ont eu depuis leur base arrière… en France.

Et l’ONU, sous direction française, n’aura pas fait autre chose que de prendre le relai.

Ainsi, si cette vertueuse pétition – qui réunit Jacques Chirac et François Hollande, par l’entremise de la première dame – a l’avantage de dénoncer un scandale réel auquel il faut effectivement mettre un terme sans délai, elle a aussi le défaut de s’inscrire dans une stratégie qui ne vise pas à résoudre le problème, mais qui consiste au contraire à l’entretenir depuis dix-huit ans, ceci ne faisant que prolonger l’engagement français dans le génocide.