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Une passionnante histoire de la contestation des « progrès » techniques en Occident
Article mis en ligne le 12 juin 2011
dernière modification le 7 juin 2014

Dans une synthèse passionnante, Techno-critiques. Du refus des machines à la contestation des technosciences, François Jarrige fait revivre la contestation des « progrès » techniques en Occident. De l’introduction des métiers à tisser à la lutte contre le nucléaire et les OGM, il brosse avec talent une tranche d’histoire mal connue, plaidant pour le droit à refuser les techniques.

(...) A chaque époque les hommes qui ont foi dans le progrès technique, convaincus qu’il va apporter abondance, puissance et bonheur à l’humanité (ou à une partie d’entre elle) s’opposent à ceux qui en contestent les bienfaits ou, à tout le moins, demandent à juger sur pièce.

Entre les deux camps, la guerre fait rage au fil du temps et au gré justement des bouleversements technoscientifiques et de leurs conséquences. Comme le chemin de fer ou les métiers à tisser au XIXe siècle, le nucléaire – civil et militaire – l’aviation, les OGM, la biologie… sont autant de rendez-vous qui nourrissent le débat et opposent des modèles de société.

C’est cette histoire passionnante, tissée de mille fils qui courent d’un pays à l’autre, étalée sur des siècles mais toujours en devenir ; c’est cette vision de la science et des techniques qui divise régulièrement les partis politiques et les hommes de religion aussi bien que les citoyens, que raconte François Jarrige dans son dernier ouvrage.

Il le fait de façon originale en privilégiant le point de vue de ceux qui contestent le système et refusent de voir un progrès dans chaque innovation. C’est une minorité. Mais elle se tient aux avant-postes. (...)

Il y a beaucoup d’enseignements à retenir de cette plongée dans l’histoire de la contestation des technosciences. Et d’abord ce constat : la critique de la modernité va de paire avec celle-ci. Elle l’accompagne, fidèle comme son ombre, et au même rythme.

Dès qu’un processus nouveau surgit, qui risque de modifier le fonctionnement de la société, des voix s’élèvent pour mettre en garde et éviter le danger. Ces avertissements peuvent venir de partout.(...)

l faut en convenir : les mises en garde successives contre les dégâts du progrès n’ont pas empêché le triomphe de « l’âge des machines ». Les ravages de la modernité, les impasses du progrès technique pèsent peu face au rouleau compresseur du « progrès ».

Que l’on mette en avant les inégalités exacerbées par le progrès technique, les dégâts occasionnés à l’environnement ou le rétrécissement des libertés, aucun argument n’a réussi à simplement ralentir l’envahissement technique. Notre époque en témoigne.

Faut-il pour autant baisser les bras ? Reprenant à son compte une idée avancée par un autre historien des sciences, David Edgerton (auteur d’un essai très stimulant Quoi de neuf ? publié par Le Seuil), François Jarrige plaide pour que les hommes fassent « le choix de l’inaction et du ralentissement ».

faudrait, conclut-il, « soumettre des objets et des produits technoscientifiques à des fins désirables pour tous plutôt qu’au seul impératif du profit maximal ». A recenser toutes les techniques qui ont été abandonnées après avoir été portées aux nues – l’amiante, le DDT … - l’idée ne parait pas saugrenue.