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France TV Info
Une nuit aux urgences pédiatriques de l’hôpital Necker, où affluent les ados souffrant de troubles psychiatriques
Article mis en ligne le 6 décembre 2021
dernière modification le 5 décembre 2021

Les urgences de cet hôpital parisien ont accueilli six jeunes atteints de troubles psychiatriques dans la nuit du 29 au 30 novembre. Autant de patients qui devraient être pris en charge par des services spécialisés, mais qui, faute de place, occupent les lits des urgences pédiatriques générales.

Allongée, les mains sur le ventre, Lena* peine à garder les yeux ouverts. Il est presque minuit, lundi 29 novembre. L’adolescente de 15 ans doit répondre aux questions de l’interne des urgences pédiatriques de l’hôpital Necker, dans le 15e arrondissement de Paris. Elle a avalé 24 comprimés d’anxiolytiques deux heures plus tôt. "Qu’est-ce qui t’a poussée à les prendre ?" s’enquiert la jeune médecin. "Je ne sais pas", murmure Lena. "Tu es triste ?" Elle détourne le regard. "Pas particulièrement. Je ressens plutôt de la colère et de la frustration."

Comme Lena, cinq autres mineurs ont franchi les portes vitrées des urgences pour des troubles psychiatriques, cette nuit-là. Au poste de soins, les médecins qui se répartissent les patients accueillent ces nouveaux arrivants comme ils peuvent. Outre ces six ados, les soignants prennent en charge des pathologies plus ordinaires. En pleine épidémie de bronchiolite, de nombreux nourrissons en détresse respiratoire nécessitent une hospitalisation de un à trois jours. Sans compter les enfants contaminés par des virus respiratoires, nombreux à l’automne.
"Il faut bien prendre en charge ces adolescents"

Dans ce contexte, accueillir des adolescents atteints de troubles psychiatriques, qui ont besoin d’une hospitalisation pouvant durer plusieurs semaines, complique la tâche du service. "On a déjà moins de lits parce qu’il manque des infirmières et les lits qui sont censés être disponibles ne le sont plus, parce qu’il faut bien prendre en charge ces adolescents", s’inquiète la professeure Hélène Chappuy, la cheffe du service qui n’était pas présente cette nuit-là. Pour recevoir ce flux de jeunes en détresse, certains soignants ont reçu une formation spécifique.

Cela fait plus d’un an que l’équipe de l’hôpital Necker prend en charge ces adolescents qui ont des idées noires. Certains arrivent après des "IMV", des intoxications médicamenteuses volontaires. (...)

Hélène Chappuy s’inquiète de "recevoir des tableaux psychiatriques plus sévères et qui touchent des adolescents plus jeunes et plus nombreux". Santé publique France a publié, le 22 novembre, des chiffres alarmants qui confirment cette observation (...)

Pendant ce temps, à l’accueil des urgences, le ton monte. Une vingtaine de parents patientent dans le hall. Certains se sont endormis, leur enfant sur le ventre. "Vous savez pour combien de temps il y en a ?" s’enquiert une mère. "Je suis arrivée à 18 heures ! rugit une autre. Si ma fille ne fait pas partie des cas urgents, il faut nous le dire ! Il faut nous libérer !" Il est plus de 2 heures du matin. "C’est l’heure où ça commence à devenir compliqué", explique Achraf, aide-soignant de 41 ans, dont dix dans le service. A ses côtés, Marion, 28 ans, auxiliaire de puériculture. "On ne peut pas vous répondre, expliquent-ils d’une voix douce aux parents. Cela change tout le temps en fonction des arrivées." Et des urgences à traiter en priorité.
"On est menacés presque quotidiennement"

A chaque nouvelle arrivée, une infirmière ausculte d’abord les malades, avant qu’ils passent devant le médecin, qui les classe par ordre de priorité selon un code couleur. (...)

Deux agents de sécurité sont présents en continu aux urgences. Ils ont été installés à la rentrée 2020. Parfois, leur simple présence suffit à faire descendre la tension. Pas toujours. "On est menacés presque quotidiennement, déplore Achraf. La semaine dernière, je me suis fait filmer par un papa parce que je rappelais qu’il ne fallait qu’un seul parent dans la salle d’attente" à cause du contexte sanitaire.

Agressions verbales, parfois physiques, attentes qui s’éternisent… Les aides-soignants sont en première ligne. Les infirmières sont exténuées. Le turn-over est important. (...)

"On essaie de recréer les chambres blanches" des services psychiatriques, "mais c’est impossible", explique une infirmière du service. Ces pièces doivent pouvoir être verrouillées de l’extérieur et sont aménagées du strict minimum pour éviter que les patients ne se mettent en danger. "On fait le maximum pour passer régulièrement les voir, on retire les portables et on demande aux parents de s’en aller pour éviter que ça ne les perturbe." (...)

Au poste de soins, où traînent chips et bonbons, les internes et la médecin font le bilan de la nuit. Les internes terminent leur garde de 24 heures. Celle des médecins a duré 14 heures. En tout, 100 patients ont été accueillis, et même si aucune d’entre elles n’a eu le temps de manger, la nuit s’est "bien passée". "On sait que ça peut être pire, confie Julia Worcel, mais rien de ce qui s’est passé ce soir n’est normal : un patient a attendu pendant 9 heures aux urgences et la médecin de permanence, qui devait quitter son poste à 0h30, est partie deux heures plus tard. Deux heures offertes, comme ça, cadeau, parce qu’elle ne se voyait pas me laisser seule avec autant de patients." (...)