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Non-Fiction
Une histoire visuelle de Mai 68
Article mis en ligne le 14 avril 2018
dernière modification le 13 avril 2018

Les affiches de Mai 68 ne sont pas seulement destinées à illustrer des manuels d’histoire. Elles sont elles-mêmes une source et un objet d’histoire, dont l’examen doit non seulement convoquer le contexte politique, social et culturel, mais aussi favoriser une analyse du régime des images durant cette période. Mots et images composent, en effet, des placards qui vont meubler les rues durant longtemps.

A propos de Mai 68, livrer une telle analyse – ou encore la recevoir par la lecture – présente encore une difficulté commune à de nombreux événements qui ont rencontré la vie de beaucoup qui sont encore vivants : il ne faut pas confondre les souvenirs, les bonheurs rétrospectifs et les publications commentées. Or, dans son genre, ce recueil de placards de l’Atelier populaire de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris, produits durant les événements de 1968, est aussi important que les souvenirs légués à fleur de mémoire de participants ; mais son importance vient justement de ce qu’il est d’un tout autre ordre. Et, ce qui ne gâche rien, il compose lui-même un bel objet, imprimé sur un papier qui se veut analogue par certains côtés aux œuvres présentées.

La première édition de ce recueil date des années de la présidence de Nicolas Sarkozy, alors qu’il fallait répondre à sa contestation des traits majeurs de 68. Le président n’était pas le seul à affirmer la nécessité de se démarquer de la période à partir d’une dénonciation : Mai 68 devenait la source de tous nos maux. De là cette réponse, en forme d’ouvrage d’art en quelque sorte, laquelle montre qu’à l’évidence le président conduisait une opération idéologique.

Mais cet ouvrage aux remarquables visuels permet aussi de rectifier un certain mythe de la spontanéité (...)

Beaucoup se souviennent encore : « La police vous parle tous les soirs à 20 h », « La chienlit c’est lui » (19 mai 68, affiche attribuée à Jean Hillaireau), « La lutte continue », « Nous irons jusqu’au bout », et le célèbre « Nous sommes tous des juifs allemands » (22 mai 68, affiche attribuée à Bernard Rancillac).

Qu’il ait fallu avertir, orienter, informer autrement durant cette période, nul n’en doute. L’intérêt de ces affiches, sur ce plan, est d’avoir su transcrire des situations dans des phrases percutantes, des déclarations dans des mots décisifs, des manifestes dans des espaces restreints. On pourrait se demander si la comparaison avec d’autres époques (la Résistance, la Libération, etc.) donne une bonne mesure de ce qui s’est produit ainsi visuellement. Mais sans doute, compte tenu de la différence entre une Occupation et une révolte, les graffitis ont été plus utilisés en 1940 qu’en 1968.

On peut se demander aussi si la production contemporaine d’information par les affiches n’a pas diminué, compte tenu de la nouvelle puissance d’informer que facilitent les téléphones portables, inexistants à l’époque. On sait qu’en 68, ce sont les radios (privées) qui ont servi à diffuser les informations centrales.

En revanche, il est clair que d’informations en slogans, les affiches de mai 68 ont composé un climat visuel public de mots, de couleurs (rouge et noir souvent), de figures qui, propagande ou non, se sont efforcés de créer une imagerie notable et un imaginaire de la révolte et du combat. Évidemment, cette imagerie est entièrement critique à l’égard de la situation de l’époque, qu’elle se réclame des dazibaos maoïstes – ce qui est souvent le cas – ou non. (...)