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« Un vêtement comme les autres »…
Article mis en ligne le 14 août 2016

Le propre des époques de transition comme la nôtre, de trouble et d’incertitude quand un vieux monde se meurt lentement et qu’un nouveau monde tarde à naître, c’est la perte des repères les plus élémentaires. Et notamment l’oubli des libertés fondamentales…

Ces libertés fondamentales pour lesquelles, depuis 1789 (puis 1830, 1848, 1871, 1898, 1936, 1944, 1968… pour ne prendre que les dates de surgissement des révoltes créatrices), notre peuple s’est battu contre des pouvoirs qui servaient les puissants et les dominants, au service en somme des injustices sociales. Parmi ces principes, qui sont ceux d’une République démocratique et sociale, il y a la liberté individuelle : l’égalité de droits pour toutes et tous, sans distinction d’origine, de condition, d’apparence ou de croyance, de sexe ou de genre, dont la seule limite est de ne pas imposer aux autres sa propre loi, celle d’une idéologie (politique) ou d’un dogme (religieux).

Ainsi sur une plage, chacun d’entre nous peut penser ce qu’il veut des postures choisies par les autres estivants (selon leurs cultures, leurs convictions, leurs religions, etc.), mais aucun d’entre nous n’a le droit d’imposer autoritairement aux autres son choix à la manière d’un uniforme obligatoire. Ainsi, de même que je m’opposerai demain de toutes mes forces à un pouvoir qui obligerait les femmes à couvrir leur corps dans l’espace public, de même je m’oppose aujourd’hui à ce qu’on interdise sur les plages une tenue qui les couvre parce qu’elle serait liée à une religion. Dans les deux cas, nous cédons nos libertés individuelles au profit d’une logique autoritaire et discriminatoire qui, dans le premier cas, vise les femmes en continuant d’en faire une minorité politique opprimée et, dans le second cas, vise les musulmanes en les constituant comme minorité à exclure.

La liberté ne se divise pas, et elle est donc aussi celle de ceux dont nous ne partageons pas les idées ou les préjugés. (...)

Toutes ces polémiques, qui n’ont pour effet que de tomber dans le piège tendu par Daech (stigmatiser les musulmans par quête de boucs émissaires à nos peurs – voir plus bas), sont profondément ridicules quand on les confronte à un raisonnement logique. Va-t-on interdire, demain, au nom du refus de toute visibilité des convictions religieuses dans l’espace public, que des religieuses catholiques en coiffe se rendent à la plage ? Ou que des juifs pratiquants s’y promènent avec une kippa sur la tête ? Mais, demain, va-t-on également, au nom de la « neutralité » de l’espace public interdire des T-shirts affirmant des opinions supposées subversives ou des tenues juvéniles supposées dissidentes ? Faire la chasse aux cheveux longs, aux piercings, aux tatouages, etc. ? (...)

Quand une liberté commence à tomber, sous un prétexte idéologique qui, en l’espèce, est sécuritaire, il est non seulement difficile de la reconquérir mais, surtout, elle en vient à être perdue pour tous, et pas seulement pour ceux que sa restriction semble viser. Demain, selon les aléas de notre vie politique, des municipalités, des gouvernements, des entreprises prendront prétexte de la restriction idéologique d’une liberté visant les corps et les apparences pour s’en prendre à d’autres attitudes jugées non conformes à leurs préjugés, à leurs dogmes, à leurs intérêts. Défendre nos libertés individuelles (parmi lesquelles celles de nos corps, de leurs vêtures ou de leurs nudités), c’est défendre la liberté de se battre pour nos droits, et de ne pas être soumis à la servitude des pouvoirs (qu’ils soient étatiques, économiques, idéologiques, religieux, sexuels, etc.). (...)