
« La construction de l’EPR de Flamanville aura accumulé tant de surcoûts et de délais qu’elle ne peut être considérée que comme un échec pour EDF. » Tel est le constat cinglant dressé dans le rapport de Jean-Martin Folz remis au ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, à la ministre de la Transition écologique et solidaire, Élisabeth Borne, et au PDG d’EDF, Jean-Bernard Lévy, lundi 28 octobre, à Bercy.
Pourtant, le polytechnicien et ancien PDG de PSA Peugeot Citroën refuse de remettre en question « le concept et le design de l’EPR » et plaide même pour que le gouvernement définisse « des programmes stables à long terme de construction de nouveaux réacteurs en France ».
Pour rappel, l’EPR de Flamanville, dont la construction a débuté en décembre 2007, aurait dû être mis en service en juin 2012 et coûter 3,3 milliards d’euros. À ce jour, le chargement du combustible n’est plus envisagé avant fin 2022 et la facture a quasiment quadruplé, pour atteindre 12,4 milliards d’euros. C’est une énième annonce de retard et de surcoût en juillet dernier, en raison d’un grave problème de soudures, qui a contraint EDF à missionner Jean-Martin Folz pour réaliser ce rapport, à la demande de Bruno Le Maire. M. Folz livre donc en trente-trois pages la « kyrielle d’événements négatifs » qui ont abouti à ce fiasco industriel. Il évoque aussi rapidement les autres EPR dans le monde : celui d’Olkiluoto, en Finlande — dont la mise en service est prévue en juillet 2020 après un retard de près de onze ans — et ceux de Taishan, en Chine — mis en service en avril 2018 et avril 2019, après plus de quatre ans de retard et un quasi-doublement des coûts (95 milliards de yuans [environ 12 milliards d’euros] au lieu des 50 milliards prévus). Rien en revanche sur les deux EPR d’Hinkley Point, dont la construction a démarré en 2016 et qui accusent déjà des retards d’au moins quinze et neuf mois et un surcoût de 3,3 milliards d’euros.
Un regard sévère sur la conduite du chantier (...)
Première erreur : « une estimation initiale irréaliste ». (...)
Côté gouvernance, « pas de chef de projet clairement identifié » pendant des années, mais une succession de responsables à temps partiel ; « ce n’est qu’en 2015 qu’un véritable directeur de projet à plein temps est désigné », s’étonne M. Folz. Il constate aussi « des équipes de projet à la peine » et installées loin du chantier, deux groupes qui portent le projet — EDF et Areva — qui se comportent comme des rivaux plutôt que des partenaires et des cascades de sous-traitants.
Surtout, M. Floz s’inquiète d’une « perte de compétence généralisée » dans la filière nucléaire. (...)
En particulier, la filière souffre d’un déficit criant de soudeurs qualifiés et expérimentés. Ce problème de la sous-traitance et des pertes de compétences n’est pas nouveau : il était déjà identifié, entre autres, dans le rapport de juillet 2018 de la commission d’enquête parlementaire menée par Barbara Pompili.
« Il ne s’agit pas de remettre en cause la technologie de l’EPR de Flamanville »
Face à tous ces manquements et dysfonctionnements, la filière nucléaire doit-elle renoncer à l’EPR ? Eh bien non, selon M. Folz. (...)
Jean-Bernard Lévy s’est empressé de déclarer que la filière était en cours de redressement et serait bientôt apte à se lancer dans de nouveaux projets (...)
Un « programme de travail » pour la construction de nouveaux EPR sera établi mi-2021 (...)
« Mais la décision finale n’interviendra qu’après la mise en service de l’EPR de Flamanville », a assuré la ministre.