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Un projet de mine d’or menace l’eau potable en Arménie
Article mis en ligne le 24 janvier 2019
dernière modification le 21 janvier 2019

Depuis 2012, l’entreprise britannique Lydian cherche à exploiter l’or de la montagne d’Almusar, en Arménie. Sur place, habitants et militants bloquent la mine et attendent beaucoup du nouveau gouvernement issu de la « révolution » de mai 2018.

. Depuis cinq mois, une cinquantaine d’habitants de Jermuk, Gnedevaz et Ketchut, à quelques kilomètres de là, se relaient tous les jours, 24 heures sur 24, pour filtrer les trois accès de la montagne d’Almusar et de ses gisements d’or. Un calendrier quasi militaire régit les tours de garde entre les volontaires.

Parmi eux, Aharon Arsenyan est un vétéran de la guerre de quatre jours de 2016 au Haut-Karabagh, un territoire disputé entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Pour l’ancien soldat de 24 ans, fermer la mine serait avant tout « un acte patriotique ». Comme la plupart des volontaires, il a arrêté de travailler pour bloquer la mine, convaincu que l’entreprise Lydian avait menti sur la réalité des conséquences environnementales de l’exploitation sur la vie quotidienne des habitants. « Nous avons compris que Lydian polluait nos rivières. L’eau de Jermuk est la plus pure d’Arménie. Nous avons coutume de dire que ce qui est le plus précieux pour nous est notre eau et pas l’or de la montagne », dit Aharon Arsenyan, en la pointant du doigt. (...)

D’abord alléchés par les promesses de Lydian de créer plus de 700 emplois pendant les dix ans d’exploitation prévus et les 300 millions d’euros que l’entreprise promettait à l’Etat, les habitants ont vite déchanté. (...)

Toute émanation toxique, en particulier depuis le réservoir de Ketchut, qui mène directement au lac Sevan, la seule source d’eau potable en Arménie, serait un danger direct pour 2,5 millions d’Arméniens.

Les employés de Lydian ont lancé les travaux de préparation sur le site en 2016. L’entreprise avait promis que les travaux ne provoqueraient pas de poussière toxique qui descendrait jusqu’aux villages. Mais, « pendant les travaux, la ville de Jermuk a été recouverte par une épaisse poussière », dit Aharon Arsenyan. En février dernier, le projet de mine de cuivre de Teghut, dans le nord de l’Arménie, a été suspendu à la suite des accusations de non-respect des normes environnementales. (...)

L’activité minière s’est développée à partir des années 2000 en Arménie, sous l’impulsion de la politique de privatisation du secteur par le président de la République de l’époque, Robert Kotcharian. La plupart des mines appartiennent aux investisseurs étrangers et aux oligarques arméniens. L’État n’engrange que des redevances minières sur la vente des minerais, une part infime des bénéfices qu’engendre l’exploitation. Réformé en 2012, le Code minier arménien omet aussi de définir ce que sont les déchets miniers. Leur traitement n’est pris en charge par personne. L’Arménie compte désormais près de 400 mines sur son territoire. (...)

La révolution arménienne d’avril a suscité à Almusar l’espoir que les choses pouvaient aussi changer hors de la capitale. Les habitants espéraient que leur opposition à l’exploitation de la mine serait écoutée par les responsables politiques. C’est d’ailleurs au moment de la révolution que les blocages de la mine par les habitants ont commencé. (...)

Le nouveau Premier ministre, Nikol Pachinian, s’est rendu à la mine. Il a créé l’Inspection des mines et la protection de l’environnement, placée sous son mandat direct et chargée, entre autres, de fournir une contre-expertise aux rapports de Lydian. Et ses conclusions sont sans appel, la biodiversité est mise en danger par l’activité minière et les analyses de pollution de l’eau avancées par la compagnie ne sont pas fiables. Cependant, seul le ministre de la Protection de la nature a le mandat légal pour décider du sort de la mine d’Almusar. (...)

Almusar est devenu le symbole du défi que doit relever l’Arménie révolutionnaire de Nikol Pachinian face à l’ancienne classe politique sourde aux enjeux environnementaux. (...)