
L’usine d’Areva de Malvési, dans l’Aude, voit passer près du quart de l’uranium mondial. Celui-ci y est transformé en combustible pour les centrales nucléaires. L’opération produit des déchets nitratés, qui s’accumulent sur place depuis plusieurs dizaines d’années. Pour les détruire, Areva a conçu un projet d’incinérateur, récemment autorisé par les pouvoirs publics. Une véritable déclaration de guerre pour un collectif d’associations locales, qui dénoncent les risques de pollution et comptent « entrer en résistance » pour empêcher sa réalisation.
Depuis de long mois, plusieurs organisations de la société civile locales s’opposent au projet [3]. Également appelé Thor – pour « thermal organic reduction » –, celui-ci doit permettre de réduire les stocks d’effluents liquides de Malvési en détruisant les nitrates par combustion et en captant les éléments radioactifs résiduels dans de l’argile, afin de les rendre « transférables » sur d’autres sites de stockage de déchets nucléaires – comme le centre de Soulaines, dans l’Aube, par exemple.
Un procédé polluant, énergivore et encore mal maîtrisé, jugent les opposants. Le 5 novembre, trois jours avant la signature de l’arrêté préfectoral, ils sont près de 3000 à descendre dans les rues de Narbonne pour manifester leur refus. Une semaine plus tard, déplorant une décision « qui engage notre bassin de vie pour quarante ans et qui sera lourde de conséquences sur le plan sanitaire environnemental et économique », une association locale – Transparence des canaux de la narbonnaise (TCNA) – appelle dans un communiqué à « la résistance citoyenne ». Une vaste banderole est déployée sur les remparts de la cité de Carcassonne : « Le nucléaire tue l’avenir ».
Des déchets stockés sur place depuis 50 ans (...)
Une « décharge » comptant onze bassins. Les historiques B1 et B2, remplis de boues radioactives et classés « installation nucléaire de base » par l’autorité de sûreté nucléaire, ne sont plus utilisés mais « des centaines de milliers de tonnes de boues sont stockées à l’air libre dans ces bassins sans étanchéité construits dans les anciens terrils de la mine. Depuis cinquante ans, à chaque pluie, ils laissent filtrer dans le sol des éléments chimiques et radioactifs », dénonce le chercheur. (...)
« Le cocktail magique de la pollution de l’air »
« Le principal problème posé par Thor, ce sont les rejets atmosphériques, souligne Mariette Gerber, médecin épidémiologiste et ex-chercheuse à l’Inserm. Il rejette notamment du dioxyde d’azote et des particules fines. Or, comme notre région est ensoleillée, le dioxyde d’azote est transformé en ozone, soit le cocktail magique de la pollution de l’air. » De fait, l’une des raisons pour lesquelles l’usine et ses bassins à ciel ouvert ont été implantés dans la région est le climat méditerranéen qui y règne : du soleil pour accélérer l’évaporation, du vent pour disperser les effluves. Mariette Gerber alerte aussi sur la présence de benzène et de phtalate DEHP, un perturbateur endocrinien tristement réputé. (...)