
Le Comité des droits économiques et sociaux de l’ONU vient de rendre ses observations sur le deuxième rapport périodique déposé par la Grèce |1|. Sans véritable surprise, et bien qu’étant adressée par le biais du langage policé des Nations Unies, ces observations sont accablantes pour le gouvernement grec et ses créanciers.
Le Comité des droits économiques et sociaux est l’organe de supervision du Pacte International sur les droits économiques, sociaux et culturels. Il a pour mission de veiller à la bonne application du Pacte par les États parties, et dispose à cet égard d’un certain nombre d’outils. Outre les observations générales sur les articles du Pacte, sorte de commentaires des articles, il s’est vu récemment attribuer une compétence contentieuse ouverte par le Protocole facultatif de 2008, entré en vigueur en 2013 (il n’est ratifié que par vingtaine d’Etats) et qui offre au Comité la possibilité de connaître des recours individuels (ou communications dans le langage Onussien) à l’encontre des États.
Mais l’outil central et historique de cette mission de supervision reste les observations spécifiquement adressées à chaque État à l’issue de l’examen de leurs rapports périodiques respectifs. Le Comité y répond par des observations et des recommandations précises et visant les articles du Pacte.
C’est dans ce dernier cadre que la Grèce a déposé son 2nd rapport périodique en 2015, rapport auquel le Comité a donc répondu par plusieurs observations et recommandations particulièrement intéressantes dans le contexte de crise économique et sociale que le pays traverse. (...)
le Comité rappelle que la Grèce est en premier lieu responsable du respect du Pacte et qu’elle doit veiller à ce que les obligations qui en découlent soient prises en considération lors des négociations et ce par l’ensemble des parties à ces négociations. Le Comité vise ici en particulier les créanciers de la Grèce (Banque centrale européenne, Commission européenne, Etats membres de la zone euro, le FMI, le Mécanisme européen de stabilité). Dans un même élan, la Grèce doit revoir les mesures et les réformes engagées dans le cadre des programmes d’ajustement, et se doit de renoncer progressivement à ces politiques afin de garantir une protection effective des droits économiques et sociaux.
Il rappelle qu’une crise économique, tout en étant une situation nécessitant parfois des mesures exceptionnelles, ne peut en aucun cas justifier l’application de mesures violant les droits de l’homme et notamment les droits économiques et sociaux.
Sur l’emploi et la pauvreté
Le taux de chômage est encore très élevé, bien trop élevé, en particulier chez les jeunes où il atteint les 50%. Il est en outre frappant de constater que le taux de chômage de longue durée s’élève à 73% des chômeurs. Ces chiffres semblent peu conciliables avec le respect du droit au travail comprenant le droit qu’a toute personne d’obtenir la possibilité de gagner sa vie par un travail librement choisi ou accepté (article 6 du PIDESC). Le Comité recommande un certain nombre de mesures articulées autour de 4 grands axes, à savoir renforcer les programmes d’accès à l’emploi, en particulier pour les groupes sociaux particulièrement exposés à la crise, remédier aux causes profondes du chômage chez les jeunes, renforcer l’assistance aux personnes sans emploi, et continuer à mesurer systématiquement l’impact des politiques d’austérité sur le marché de l’emploi et son corollaire, le droit au travail (...)
Le Comité critique frontalement la restructuration du système de sécurité sociale issue encore une fois des mesures d’ajustement. Cette restructuration a entraîné des violations de l’article 9 du Pacte garantissant précisément le droit à la sécurité sociale. Le Comité rappelle l’importance de prendre en compte ce droit fondamental en amont d’une réforme de la sécurité sociale, puis d’évaluer l’impact effectif de cette réforme sur les droits humains en cause. (...)