
Modèle anthropologique inédit. Les sociétés humaines, balancées comme elles sont, entre guerre hybride et paix abrupte n’ont guère le choix des moyens de leur destinée, si ce n’est qu’en changeant de paradigme. Mieux vaut tard que jamais.
En attendant, les apparences se fissurent jour après jour, celles surtout servant à faire admettre l’épiphénomène de la normalité. Sous ces apparences, grecques par exemple, les ferrys attendent les futurs touristes, le Péloponnèse s’annonce comme d’emblée mythique, et déjà, depuis le pont de la vielle nationale, les visiteurs, entre autres chinois, photographient le Canal de Corinthe, ouvrage emblématique du siècle d’avant. Futur en vue. (...)
“Dans les années soixante, rappelle Thomas Frank, on a imposé le slogan ‘Think Young’, pour célébrer la marchandise et la non-culture nouvelles à base de pub et de communication, une ‘culture d’usurpateur’, disait Guy Debord, qui veut faire oublier comment elle est arrivée au pouvoir. On chassa les anciens et la tradition pour imposer le jeunisme consumériste à base de gilet James Dean, de rébellion creuse, de chewing-gum Hollywood et de coca-cola ; cela marcha comme sur des roulettes. Cinquante plus tard, on a une jeunesse de dystopie, à 90% ruinée par l’immobilier, par les études, promue à des petits boulots disqualifiés, à des exils ingrats, à un nomadisme cheap et à un abrutissement technologique festif.” Nicolas Bonnal, Carnet du 11 février 2019.
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En relisant le carnet personnel d’un Athénien cultivé, issu de la vielle bourgeoisie grecque de Constantinople, texte alors rédigé comme on dit “à chaud” durant les années de l’Occupation Allemande de 1941-1944, une certaine comparaison est alors possible quant à l’état des mentalités, entre cette époque pas si lointaine et la nôtre. (...)
On parle peu, on observe à peine, et surtout, on fait du surplace. Ce nouveau monde devient fragmenté, incohérent et irrationnel. Il s’apparente même à une situation humaine généralisée ayant prévalu durant les longs siècles et les temps avant même l’apparition du fait politique. “Notre” ultime postmodernisme incarne en réalité le retour imposé à un temps humain que l’on qualifierait de largement pré-politique.
Modèle anthropologique que l’on présumerait inédit. Anthropologie postmoderne impliquant une mosaïque de formes aplaties, impersonnelles, dénuées de sens et politiquement largement inexprimées comme inexprimables. (...)
Les sociétés humaines, balancées comme elles sont entre guerre hybride et paix abrupte n’ont guère le choix des moyens de leur destinée, si ce n’est qu’en changeant de paradigme. Mieux vaut tard que jamais et pourtant. (...)