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Un millier de jeunes Tunisiens ont disparu aux frontières de l’Europe
Article mis en ligne le 28 mars 2013

Poussés par le chômage, au moins un millier de Tunisiens ont disparu en essayant de rejoindre l’Europe, dans les mois qui ont suivi la Révolution. Leurs mères, sœurs et épouses exigent des autorités, tunisiennes et européennes, qu’elles les aident à faire la lumière sur ces disparitions. D’autres caressent encore l’espoir qu’ils sont quelque part, en Italie ou en France.

(...) Selon l’agence européenne de contrôle des frontières (Frontex), 30 000 Tunisiens auraient embarqué en 2011, d’une plage ou d’un petit port, vers l’autre côté du canal de Sicile. Une estimation plutôt basse pour le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), créé en mars 2011, qui évoque 40 000 départs. La chute de Ben Ali a précipité le voyage de nombreux candidats vers la promesse d’une vie meilleure. Leur surveillance [1], étroite avant la chute du dictateur, s’est relâchée pour cause de révolution. Des dizaines de milliers de jeunes en ont profité pour entreprendre un périlleux périple vers l’Europe.

Un millier de jeunes tunisiens disparus

17% de chômage, et le nombre insuffisant d’emplois qualifiés pour les jeunes diplômés, expliquent ces départs précipités, et extrêmement dangereux. (...)

Beaucoup des mères et de femmes de disparus s’accrochent à l’espoir que la mer ne les a pas engloutis. « Pendant dix jours, Bassim a eu un répondeur italien, assure sa mère. Et puis, plus rien. Je suis sûre qu’il est vivant. » Plusieurs familles disent avoir reconnu leurs proches sur des images diffusées par des télévisions européennes. A l’époque, journalistes et caméras se pressent sur l’île de Lampedusa, où débarquent de nombreux émigrés. Sur l’une de ces bandes vidéo, on aperçoit des hommes emmaillotés dans des couvertures de survie, en train de monter à bord d’un bus de la police italienne. Les visages sont souvent flous et les silhouettes incertaines. (...)

Depuis deux ans, ces femmes désespérées d’être sans nouvelles de leurs proches, enchainent les manifestations, sit-in et interpellations des gouvernements qui se succèdent en Tunisie. Sans succès pour le moment. « C’est très dur pour elles, explique Alaa Talbi, du FTDES. Elles se mobilisent beaucoup, elles racontent l’histoire de leurs enfants, leur départ, l’absence de nouvelles. A chaque fois, c’est très douloureux. Et les dossiers n’avancent pas. C’est vraiment difficile et compliqué. » Accablées de chagrin, certains parents ont fait des tentatives de suicide publiques.

En quoi les pouvoirs en place, de part et d’autre de la Méditerranée, peuvent-ils aider à lever le mystère sur ces disparitions ? Selon le FTDES, des données existent, concernant les bateaux dans lesquels sont parties les personnes disparues. « Les dispositifs de contrôle du canal de Sicile –radars, avions, hélicoptères, bateaux – ont forcément enregistré les mouvements en mer », explique l’association. D’autant qu’au printemps 2011, nous sommes en pleine intervention militaire en Libye voisine. Bref, la zone était surveillée, quadrillée, scrutée.

« Nous pouvons d’ailleurs nous étonner qu’en présence d’un tel dispositif, plus de 1 000 personnes aient pu mourir ou disparaître », tranche Hagen Kopp. (...)

En plus de dénoncer l’hécatombe qui se déroule dans les eaux du canal de Sicile, les militants de Boats4peole espèrent que quelques cas bien documentés de non assistance à personnes en danger servent d’exemple. Voire fassent jurisprudence, via des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. « Les personnes chargées de surveiller les mouvements de migrants en Méditerranée ne peuvent pas faire n’importe quoi. Ils doivent savoir que nous les avons à l’œil », martèle Hagen Kopp.
(...)

sur la place de la Révolution, en ce début de printemps, les mères n’ont pas l’intention de s’en laisser conter. Encore moins d’abandonner la lutte. « Nous chercherons nos enfants jusqu’à notre mort », promettent-elles.